Un pays, deux systèmes politiques : l’exception gabonaise

Le Gabon est devenu depuis le 30 août 2023 un pays atypique. Au nom d’une « libération » qui n’a guère eu lieu, en dehors de l’éviction du pouvoir d’un seul homme, Ali Bongo Ondimba, tout semble être permis. C’est désormais le seul pays au monde où les militaires sont autorisés constitutionnellement à sortir de leurs casernes pour s’adonner à des activités politiques en se portant candidats à des élections.

 C’est aussi le pays où une journée de la « libération » est inscrite dans la Constitution, consacrant un coup d’Etat militaire,  supplantant ainsi celle de l’accession du pays à la souveraineté internationale. D’aucuns peuvent considérer qu’il s’agit là de faits mineurs, c’est leur droit, tant ils sont encore et toujours dans l’ivresse des évènements survenus ce 30 août 2023 et ne peuvent voir plus loin que le bout de leur nez, leurs cerveaux riquiquis les en empêchant. Cette sortie de l’ivresse risque d’être tardive.

Parlons-leur du système politique actuellement en vigueur en République gabonaise. Suite au coup d’Etat militaire du 30 août 2023 et à l’annonce d’une restauration des institutions, les Gabonais avaient à choisir entre un régime semi-présidentiel[CM1]  déjà existant, un régime parlementaire –qui semblait séduire Raymond Ndong Sima, avant qu’il ne fasse, comme à son habitude, volte-face- et un régime présidentiel.

Le « Dialogue national inclusif », en réalité exclusif, d’Angondjé a recommandé un régime présidentiel, tel que le voulaient les militaires qui en étaient à la manœuvre. La commission mise en place par le CRTI pour élaborer le texte de la nouvelle loi fondamentale n’a fait que s’exécuter. Le 16 novembre 2024, une nouvelle Constitution de la République gabonaise a été adoptée par voie référendaire, puis promulguée quelque temps après. Et le Gabon est entré dans l’ère d’une nouvelle République, la 5ème, dit-on.

La logique aurait voulu que l’on commença par la mise en place des nouvelles institutions : Assemblée Nationale,  Sénat, Cour constitutionnelle, Assemblées locales, Conseil économique, social et environnemental, pour terminer par l’élection du Président de la République. Le CTRI a pris une autre option, pour des raisons et des motivations qui lui sont propres. Il a préféré le chemin inverse en précipitant le scrutin présidentiel.

Après ce scrutin, quel est aujourd’hui le décor institutionnel en République Gabonaise ? Il y a un Président de la République élu au suffrage universel sur la base d’une constitution consacrant un régime présidentiel. En dehors de ce dernier, toutes les autres institutions sont transitoires, dont la Cour Constitutionnelle.

Aussi curieux  que cela puisse paraitre, d’ici le renouvellement du parlement, le Pays va devoir fonctionner avec deux systèmes politiques : un système présidentiel découlant de la nouvelle loi fondamentale, laquelle supprime le poste de Premier ministre et un système semi- parlementaire, avec un Premier ministre toujours en place et des organes de transition. A quel moment prendra un terme ladite Transition ?

Lors de sa toute prise de parole après avoir annoncé les résultats de l’élection présidentielle, du haut de sa tribune de l’Avenue de Cointet, le ministre de l’intérieur, Hermann Immongault, a pourtant été clair, net et précis en déclarant : « l’élection du Président de la République met un terme à la transition ». S’il en est ainsi, ce qui parait d’ailleurs logique, Quid alors des autres organes de ladite transition ? Quelle est  leur raison d’être toujours en place ?

Actualité oblige, le nouveau chef de l’Etat élu sous l’égide d’une nouvelle loi fondamentale s’apprête à prêter serment devant une Cour Constitutionnelle de Transition,  régie par une charte elle-même de la Transition. Quelle est la légitimité d’un tel serment ? Quelle est la portée politique d’un tel acte ?

Tout le monde se perd en conjectures, tout en reconnaissant l’exception gabonaise en matière de gestion d’une transition politique suite à un coup d’Etat militaire. Cette exception rentrera probablement dans les annales des écoles de sciences politiques


 [CM1]

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