En mars-avril 1990, un petit séisme politique eut lieu au Gabon. Ce fut le passage du parti unique au multipartisme. Et l’on avait naïvement cru, que c’en était fini du culte de la personnalité de l’époque, du » Grand Timonier », du « Guide éclairé », du « Président- fondateur », du « Grand camarade ». On avait surtout cru que l’époque de la pensée unique était derrière les Gabonais. Puis petit à petit, et progressivement, la fourmilière que l’on croyait à jamais détruite s’est reconstituée. La raison fut simple et évidente, la fourmi-mère, Omar Bongo Ondimba était toujours là, bien vivante. Il eut quelques têtes sacrifiées, mais pas beaucoup, le système est resté en place, jusqu’à ce que l’élection possible d’Albert Ondo Ossa l’ait sérieusement menacé en 2023.
C’est vrai qu’avant les évènements du 30 août de cette année, Ali Bongo qui accéda au pouvoir, par dévolution monarchique en 2009, a tenté de renouveler les éléments constitutifs de ladite fourmilière en se débarrassant de quelques vieux caciques. Ces derniers lui en voulurent en allant grossir les rangs d’une opposition qui peinait à imposer une alternance et surtout une alternative à ce système en place. L’alternance a failli se produire en 2016, avec Jean Ping, mais sans qu’une alternative soit envisagée. Cela été beaucoup plus un épisode de règlements de comptes entre membres d’un même système. Encadré et protégé par ce qui était à cette époque par sa garde prétorienne, la Garde républicaine, Ali Bongo Ondimba l’emporta, avec un rapport de forces largement en sa faveur. Ce fut au prix du sang de plus d’une vingtaine de Gabonais.
En 2023 donc, le système a subi de nouveau une énorme secousse avec la probable élection d’Albert Ondo Ossa à la présidence de la république. Les piliers essentiels dudit système, installés principalement dans le Haut Ogooué eurent peur, et ce fut le coup d’Etat militaire.
Les tout premiers pas vers l’ordre ancien furent la conservation du décor institutionnel existant, quand bien même il avait été annoncé dans la nuit du 30 août 2023, la dissolution des institutions tels : le gouvernement, l’Assemblée nationale, le Sénat, la Cour constitutionnelle, le Conseil économique, social et environnemental. Des institutions qui furent dans la même semaine remises en place, avec à leurs têtes des visages bien connus de l’ordre ancien : Jean François Ndoungou, Paulette Missambo, Séraphin Moudounga, Aba’a Owono. Des caciques du pdgisme qui avaient fait leur temps et dont certains étaient allés se recycler dans une opposition dite radicale.
La constitution du gouvernent de transition furent d’autres pas de recul vers cet ordre ancien. S’y retrouvèrent en bonne place, d’autres visages bien connus de l’ère Bongo père et fils : Le Premier ministre Raymond Ndong Sima qui occupa la même fonction, pendant deux ans, sous Ali Bongo Ondimba, après avoir été plusieurs fois ministre sous Omar Bongo Ondimba, Carmélia Ntoutoume Leclercq, Hermann Immongault, Jonathan Ignoumba et bien d’autres ministres dudit gouvernement dont les noms figurent dans les registres des membres du Bureau politique ou du Conseil national du Parti Démocratique Gabonais.
La nomination du directoire provisoire du PDG par le Président de la Transition, avec l’injonction d’en exclure Madame Joséphine Bongo Nkama, fut une autre péripétie de retour vers l’ordre ancien. Qu’avait –il à nommer, Brice Clotaire Oligui Nguema, à la tête d’un parti politique que l’on disait honni et vomi par les Gabonais, des hommes et des femmes qui méritaient d’être poursuivis par la justice ou frappés d’inéligibilité, conformément aux recommandations du « Dialogue national inclusif qu’il avait lui-même convoqué ?
Ceux qui doutaient encore de ce retour à l’ordre ancien en ont été édifiés lorsqu’à l’issue de son dernier congrès extraordinaire, Le PDG se prononça, sans surprise, pour le soutien à sa candidature à la Présidence de la république.
Du coup, lorsque des vieux visages d’un passé ayant laissé des marques négatives indélébiles dans le pays tels : Jean François Ntoutoume Emane, Jean Ping , Zacharie Myboto, Guy Nzouba Ndama, Didjob Divungi Di ding, Angélique Ngoma, Paul Biyoghe Mba, Paulette Missambo, Jean François Ndoungou, Séraphin Moudounga, Charles Mba, Jean Pierre Oyiba, Paul Toungui, Julien Nkoghe Bekale, Jonathan Ignoumba ; Michel Essongué , pour ne citer que ceux-là, se positionnent et soutiennent un candidat à une élection présidentielle, comment peut-on qualifier une telle situation, si ce n’est un retour à l’ordre ancien ?
C’est vrai que depuis le début de la transition politique au Gabon, c’est à Alain Claude Bilie By Nze que l’on fait porter tout le fardeau des cinquante –six (’56) années de règne des Bongo sur le pays, mais jamais à ces figures de proue de l’ordre ancien, ceux- là qui ont fait la pluie et le beau temps au Gabon. Et voilà pourquoi beaucoup sont réfractaires à la Commission « Vérité- justice- Réparation- Réconciliation » qu’il recommande depuis lors à cor et à cri.