Il était parmi ceux qui se voulaient des opposants radicaux Paul Marie Gondjout, l’actuel Garde des sceaux, Ministre de la Justice et ne ratait aucune occasion pour s’en prendre, avec véhémence, au pouvoir déchu. Dont il dénonçait bien de tares et de carences. Le fonctionnement de la justice était l’un de ses crédos. Il pourfendait la mainmise du pouvoir exécutif sur les institutions judiciaires et dénonçait une justice à géométrie variable, celle des pauvres et celle des tenants du pouvoir déchu et leurs protégés.
Ce n’est donc pour rien que les autorités de la transition ont bien voulu lui confier le département ministériel de la justice.
Et aujourd’hui, tel un maçon, il est au pied du mur et avec lui la truelle, le ciment, le sable et du gravier. Le chantier est vaste et exige du savoir- faire sur la base d’un certain nombre de convictions qui étaient les siennes lorsqu’il n’était encore qu’un opposant et qu’il roulait les mécaniques face aux errements du pouvoir déchu d’Ali Bongo Ondimba.
Dans cet énorme chantier, il y a les droits de l’homme. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’étaient pas la tasse de thé d’Ali Bongo Ondimba et les siens, et même d’Omar Bongo Ondimba, ces droits et cette dignité de la personne humaine.
Sur ce plan, l’on avait cru qu’il allait commencer, Pierre Marie, par exhumer le dossier des Gabonais massacrés dans la journée, puis la nuit du 31 août 2016, aussi bien au Boulevard Triomphal de Libreville qu’au quartier Général de Jean Ping. Il faisait partie à l’époque, de l’opposition dite radicale qui avait saisi la Cour pénale internationale aux fins de faire de la lumière sur ces dramatiques évènements et au demeurant punir les coupables. Depuis qu’il est aux affaires, à une position qui lui permet de rouvrir ce dossier rien, c’est silence radio. Et les familles endeuillées ont perdu tout espoir de voir cette lumière éclater. Certainement que le Ministre de la Justice, Garde des sceaux, n’y peut rien, pour s’être mis au service de ceux qui avaient perpétré ces assassinats, les militaires, plus particulièrement la Garde républicaine. Peut-on mettre en cause son maître ?
Devenu maître de la justice avec l’avènement des militaires, Pierre Marie Gondjout était également attendu sur les questions des libertés fondamentales et des droits de l’homme au Gabon. Depuis lors, un jeune Gabonais a été assassiné par les militaires dans les environs des jardins de la Peyrie, pour violation dit-on de couvre-feu. Il n’en a dit mot. Très récemment, pour les mots raisons de violation de couvre-feu, des centaines de Gabonais, hommes et femmes, ont été scalpés dans des conditions d’hygiène déplorables. L’affaire a fait grand bruit. Le Ministre de la Justice, Garde des sceaux, ne s’en est même pas ému.
Très récemment encore, un jeune marin gabonais, Johan Bounda, a été torturé à mort dans les obscures cellules de la Contre-ingérence militaire, le fameux B2, là aussi motus et bouche cousue. Des syndicalistes de la SEEG, eux-aussi scalpés par les militaires de ce même B2 n’en parlons plus.
En ce moment même, dans son propre ministère, c’est le branle-bas. Les bureaux des greffiers et des magistrats sont vides, ainsi que les salles d’audience. Tout tourne au ralenti. Depuis le 13 janvier dernier, les greffiers ont été les premiers à ôter leurs toges. A la suite d’une Assemblée générale tenue le jeudi 9 janvier 2023, ces derniers ont décidé d’entrer en grève. Et pour cause, ils soutiennent que leurs revendications, quoique connues par leur tutelle depuis le dépôt, le 02 décembre 2023, ne sont pas toujours satisfaites. L’un d’eux, rencontré dans un couloir du tribunal de Libreville déclare : « on avait accordé un état de grâce à Paul Marie Gondjout, le temps de s’imprégner des dossiers trouvés sur sa table de Travail, on se rend compte aujourd’hui qu’il n’a ni la volonté, ni la compétence de trouver des solutions à nos problèmes ».Un autre renchérit « nous revendiquons pourtant des choses simples : un statut particulier, le reclassement à titre exceptionnel, les cartes professionnels et les costumes d’audience ; si un ministre ne peut faire aboutir de telles revendications, on se demande à quoi sert –il finalement, lui qui faisait le ngounda ngounda quand il se disait opposant ? »
Comme si cela ne suffisait pas, un autre mur s’est effondré en plein chantier devant le « maçon » Paul Marie Gondjout .Ils ne mâchent leurs mots, ces autres hommes en toges. Ils jugent le gouvernement de la transition et plus particulièrement le Ministre de la justice inactifs face à leurs revendications. Eux aussi avaient au départ suspendu leur mouvement d’humeur en novembre 2023, avec l’espoir que le gouvernement allait réagir. Bien malheureusement cette période de grâce n’a pas permis aux autorités de la sur transition de se pencher avec sérieux sur les problèmes contenus dans leur cahier de charge. Et ce qui devait arriver est arrivé. Les membres du Syndicat national des Magistrats ont reconduit la grève, tout en assurant un service minimum pour ne pas paralyser complétement l’appareil judiciaire.
Qu’est-ce que c’est alors un service minimum par rapport aux nombreux dossiers qui les attendent, certains depuis des années ?
Le « dialogue », telle est la seule réponse de Paul Marie Gondjout qui aurait pu l’ouvrir depuis belle lurette. Fallait-il que la situation pourrisse pour en arriver là ? se demande un magistrat rencontré par notre rédaction dans les couloirs du tribunal de Libreville, avant de renchérir : « notre ministre n’est-il pas tout simplement un incompétent qui ne comprend rien aux problèmes du mode judiciaire ? ».
Il est vrai que dans un chantier, lorsque les murs s’écroulent un à un, il y a lieu de s’interroger sur le savoir-faire du maçon.