De 1968, date de l’instauration du parti politique unique au Gabon, à 1990, celle du retour à une démocratie multipartite, la frontière entre ceux qui se réclamaient de l’opposition et les tenants du pouvoir était relativement visible.
En créant le Mouvement de Redressement National en 1981, les Oyono Aba’a, jules Mba Bekale, Jean Baptiste Obiang Etoughe, Paul Calvin Tomo, Moubamba Nziengui, Luc Bengono Nsi, Jean Pierre Nzoghe Nguema, Abbé Noel Ngwa Nguema et bien d’autres encore exprimaient clairement leur hostilité à la dictature de parti unique. Cela leur a valu de lourdes peines de prison après une parodie de procès.
Parallèlement, dans les mêmes conditions difficiles, d’autres Citoyens gabonais, tels Maitre Pierre Louis Agondjo Okawé Joseph Redjembé Issiani ne restèrent pas les bras croisés. Dans la stricte clandestinité et usant d’autres formes de lutte, ils se sont organisés pour s’opposer à la même dictature de parti unique en créant, bien avant même 1981, le Parti Gabonais du Travail (PGT), devenu le Parti Gabonais du Progrès PGP).
Bien avant la Conférence de 1990, d’autres patriotes Gabonais, dont Pierre Mamboundou, créèrent l’Union du Peuple gabonais (UPG)
Pendant cette période, le qualificatif d’opposant avait un sens. On savait ce qui opposait tous ces Gabonais au pouvoir incarné par Omar Bongo Ondimba.
La démocratie multipartite réinstaurée, une ombre est venue assombrir le paysage polique gabonais. Et la notion d’opposant devint floue. L’achat des consciences par Omar Bongo Ondimba, les transhumances politiques qui en découlaient, l’absence de débat à caractère idéologique, la prolifération de groupuscules abusivement appelés partis politiques, en réalité des fonds de commerce sans axe, sans projet et sans programme ; tout ceci a fini par effacer complétement la frontière qui semblait se dessiner entre l’opposition et les tenants du pouvoir . Et cela faisait l’affaire d’Omar Bongo Ondimba qui en était à la manœuvre. Avec les gouvernements d’union, de large consensus, de très large consensus, de la Démocratie, tout devenait de plus en plus confus. En un laps de temps court, on passait avec armes et bagages d’un regroupent des partis de l’opposition à la majorité présidentielle, sans avoir des comptes a qui que ce soit ; seul l’appât du gain attirait et était important. Il n’y avait que des compromissions sans compromis.
L’avènement d’Ali Bongo Ondimba au pouvoir en 2009 a encore accéléré les transhumances politiques. En retirant les biberons de la bouche de certains indécrottables compagnons de son père, Pdgistes zélés de première heure, ce dernier a suscité un tsunami qui a été » beaucoup plus favorable à l’opposition. La légion étrangère, la bande à Laccruche, puis aux derniers mois de son règne, la Young Team ; ces faits forcé certains vieux briscards de la vie politique gabonaise à rejoindre ladite opposition, d’abord aux côtés du défunt André Mba Obame, puis un peu plus tard et beaucoup plus Jean Ping.
Ce n’était guère une opposition de principes ou de valeurs, mais plutôt celle de la haine d’un homme autour duquel étaient focalisés tous les débats. Difficile de ne pas dire qu’il ne s’agissait que d’un « ôtes-toi de là que l’on s’y mette.
Aujourd’hui, avec le CTRI, on en a la preuve. S’étant aplatis devant les militaires qui ont offert quelques strapontins à ces opposants d’hier où alors à certains membres de leurs familles respectives, ils acceptent tout ce qui semblait les motiver lutter contre le régime déchu d’Ali Bongo Ondimba. La séparation et l’équilibre des pouvoirs, la transparence électorale, la stigmatisation de certains citoyens gabonais, tout ceci ne les préoccupe plus, Qu’un chef de l’Etat soit en même temps le chef de l’ exécutif et du gouvernement, celui qui détermine et conduit la politiques de la Nation ; qu’il préside l’autorité judiciaire qu’est le Conseil supérieur de la Magistrature, celui qui statue sur les nominations, les affectations, les avancements et la discipline des magistrats, cela leur importe peu, cependant que cela leur était inadmissible sous le règne d’Ali Bongo Ondimba. Le même chef de l’exécutif est également celui qui nomme cinq (5) des neufs (9) juges constitutionnels, sans oublier qu’il a la prérogative de dissoudre l’Assemblée Nationale devant laquelle il n’est nullement responsable.
Des pouvoirs étendus donc, que nul autre Président de la République n’a jamais eus, du moins reconnus par la Constitution. Ce qui pousse d’aucuns à parler de « Président roi ». De tout ceci, les Jean Ping, Jean François Ntoutoume Emane, Barro Chambrier, Zacharie Myboto ; Guy Nzouba Ndama, Didjob Divungi Di Ding, Paul Marie Gondjout, Paul Mba Abessole, Jean Pierre Lemboumba Lepandou, Paulette Missambo, Séraphin Moudounga, François Ndong Obiang et consorts s’en moquent, comme de leur premier discours d’opposants radicaux.
Catégoriser les Gabonais en les classant dans des tiroirs selon l’origine de l’un de leurs parents, leur pays de résidence, leur âge, leur statut matrimonial, leur état physique ne les préoccupe pas non plus, même si certains d’entre eux, à l’instar de Jean Ping ou de Barro Chambrier sont personnellement ciblés. Une négation de ce qu’ils sont eux-mêmes. Ce qui revient à dire que les Gabonais ont eu tort d’lire le premier comme Président de la République en 2016, puisqu’il est de père d’origine chinoise et marié à une ivoirienne. Il en est de même du second qui a voulu briguer le fauteuil présidentiel en 2023, après avoir tenté en 2026, tout en sachant qu’il est de mère d’origine béninoise et marié à une congolaise.
Voici où est-ce que peut amener l’opportunisme, à se renier soi-même !
Le référendum qui vient d’avoir lieu permet donc de tracer une frontière nette et visible au sein du paysage politique gabonais, avec d’un côté les partisans de l’autoritarisme de la xénophobie et d’un micro-nationalisme rétrograde et obscurantiste ; et de l’autre des démocrates attachés à la transparence électorale, des défenseurs des libertés fondamentales, de l’Etat de droit, des panafricanistes ouverts au monde entier.
Il s’agit là d’une opposition de forces contraires qui va permettre de taire les débats sur les personnes et de s’affronter sur le terrain des principes et des valeurs ; Il ne sera plus question de parler essentiellement d’Ali Bongo Ondimba ou de quelqu’un d’autre, mais d’échanger sur la démocratie, les droits de l’homme ; les mécanismes permettant de bien organiser les élections, de la place du Gabon en Afrique net dans le concert des nations
Et s’installeront les vrais débats, au-delà des égouts et du dessous de la ceinture. Ainsi se tairont et n’auront plus rien à dire : les bouffons, les comédiens des galeries, les flatteurs intentionnés, les cireurs de pompes ; les opportunistes et les profito-situationnistes.