Une Constitution de compromis historique entre : militaires, religieux et acteurs politiques

Les militaires obéissent aux ordres, les religieux au dogme et les politiques à l’appât du gain. Une entente entre les trois donne  inévitablement lieu à un cocktail explosif. C’est ce que risque d’être la nouvelle constitution de la République gabonaise en voie d’adoption.

Chez les hommes en treillis, un ordre venant d’un supérieur hiérarchique s’exécute sans trop se poser des questions. On n’en s’en pose même pas, même s’il s’agit de tuer. « Les ordres sont des ordres » entend-t-on dire dans les casernes. Du coup, plusieurs actes relevant de l’arbitraire et aux conséquences désastreuses ont ainsi été justifiés. Dans des zones de conflits armés, des massacres ont eu lieu dans certaines contrées, sur ordre du commandant, les subalternes ne faisant qu’exécuter.

Dans les églises ; mosquées et autres lieux de culte ; il existe un Dieu, point barre. Aucun fidèle ne peut remettre cette existence en cause, tant elle repose sur la foi et relève du dogme. Là aussi, il n’est pas permis de se poser des questions qui peuvent ébranler la foi. Même s’ils ont été sectionnés en l’an 367 par l’Evêque Athanase d’Alexandrie, puis ratifiés lors des conciles d’ecclésiastiques, ceux d’Hippone en 393 et de Carthage en 397, les évangiles contenus dans la Bible chrétienne sont d’inspiration divine, du moins c’est ce que doit intégrer et accepter chaque chrétien. Il en est de même des musulmans en ce qui concerne les sourates du Coran.

La plupart des acteurs politiques façonnent quant à eux leur discours selon les circonstances et en fonction de l’appât du gain. Ils sont capables de dire une chose la nuit et son contraire le jour, au point où les populations assimilent la politique au mensonge. Bien malheureusement, ces discours ont la magie de charmer le peuple et de le conditionner. Dans le cas du Gabon ceux qui, hier, haranguait les foules sur la dictature des Bongo et qui prônaient la séparation des pouvoirs ; sur l’opacité dans la gestion des processus électoraux et s’insurgeaient contre les coups de force à l’issue de chaque scrutin présidentiel, s’offusquaient du culte de la personnalité, sont aujourd’hui les mêmes qui acceptent que le futur président de la République concentre tous les pouvoirs dans ses mains, qu’il ait la prérogative de dissoudre l’Assemblée nationale et de présider le conseil supérieur de la magistrature, de nommer la majorité des juges constitutionnels, en même temps qu’il est le chef suprême des armées entouré d’une garde prétorienne, la Garde présidentielle.

 Doit-on de même donner des ordres et conditionner le peuple, lorsqu’il s’agit de voter la loi fondamentale d’un pays, celle sur laquelle repose la vie de tout un pays et dont dépend le vivre-ensemble ?

 C’est la question fondamentale qui se pose en ce moment au Gabon où un Comité pour la Transition et la restauration des institutions demande aux citoyens de voter mécaniquement et sur ordre des militaires une Constitution qui risque de poser bien de problèmes au pays et y engendrer des situations qui peuvent être dommageables irréparables.

Une constitution qui porte les germes de l’autoritarisme et donc de l’arbitraire .Les Gabonais n’ont-ils pas  trop souffert d’un tel régime politique qui concentrait tous les pouvoirs dans les mains d’un seul individu, le Président de la République ? Un chef de l’Etat omniscient, omniprésent, omnipotent et donc omnipuissant, les gardes –fous législatifs et judiciaires n’existant plus, puisque ce dernier tiendra une épée de Damoclès au-dessus du Parlement devant lequel il ne sera plus responsable et qu’il pourrait dissoudre à tout moment, au gré de ses humeurs et de ses propres intérêts. Il présidera également l’Autorité judiciaire qu’es le Conseil supérieur de la magistrature, lequel nomme, affecte, suit le plan de carrière des magistrats et les sanctionne en cas d’indiscipline

La même constitution qui, si elle est adoptée le 16 novembre prochain, aura le risque de remettre en cause l’unité d’une nation encore en gestation et fragilisera son tissu social, en raison des dispositions discriminatoires qu’elle contient ; ce d’autant plus qu’en ce moment même, ce sont les associations et autres regroupements géo-ethniques qui mènent le débat relatif à l’adoption de la nouvelle Constitution.

Autrement dit : ce que décident les militaires, ce que veulent les hommes de Dieu et ce que souhaitent les acteurs politiques véreux et cupides, le peuple s’exécute.

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