« Maintenant que le vin est tiré, il faut le boire », ont tendance à vouloir dire tous ceux qui militent et battent campagne depuis un moment pour le « OUI », lesquels n’ont même pas attendu que le « vin soit tiré ». Ils le savaient tellement indigeste, et donc non consommable, qu’ils ont préféré déplacer le débat sur le bilan, ô combien glorieux, du CTRI et du Général Brice Clotaire Oligui Nguema depuis que ces derniers se sont emparés des rênes de l’Etat.
Ce « vin » est aujourd’hui tiré c’est vrai. Cependant il faut en connaitre les ingrédients avant d’accepter de le consommer. Dès la première gorgée, on sent tout de suite que s’en abreuver risque de poser de sérieux problèmes à l’ensemble du corps social gabonais.
Au- delà du premier ingrédient qu’est la référence à Dieu dans la constitution d’une république dont la laïcité de l’Etat est confirmée par le même texte, beaucoup d’autres de ces ingrédient ne parviennent pas à traverser la gorge.
Et parlant de cette référence à « Dieu », la constitution d’un Etat est un lieu commun, pour ne pas dire une maison commune dans laquelle et en laquelle se retrouvent et se reconnaissent : les chrétiens, les musulmans, les bouddhistes, les animistes, les non- croyants- les athées si l’on veut-
En se référant à Dieu, ne peut-on pas se poser la question de savoir de quel Dieu s’agit-il, et que représente- t-il pour les adeptes des différentes religions suscitées et pour ceux qui ne croient à aucun ?
On comprend dès lors que ce n’est que pour des besoins de clientélisme politique que cette notion est introduite dans la constitution, ceux qui ambitionnent de diriger l’Etat ayant besoin du soutien, non seulement des églises classiques et autres confessions religieuses, et surtout de nombreuses églises dites du réveil qui prolifèrent en ce moment en terre gabonaise.
Parmi les ingrédients qui ne parviennent pas à traverser la gorge, il y a l’article 2. Ce dernier énonce : « la fête de la libération est célébrée le 30 août ». Non seulement cette fête rappellera celle du 12 mars, jour de l’instauration d’une dictature de parti unique au Gabon par Albert Bernard Bongo, mais aussi, il y a lieu de s’interroger sur la notion même de « libération ».
Généralement, il y a libération d’un pays lorsque ce dernier a été occupé par des forces étrangères, lesquelles se trouvent être chassées par un mouvement de libération ? Doit-on considérer que le CRTI a été ce type de mouvement de libération nationale ?
Ce sera là jouer avec les mots et les concepts et faire injure à de véritables mouvements de libération nationale tels que l’on les a connus en Algérie, en Angola ,au Mozambique, en Guinée Bissau et Cap vert , au Zimbabwe, en Afrique du Sud, pour ne parler que du Continent africain .Dans la mesure où la principale force de ce CTRI, la Garde républicaine, est restée au cœur même du pouvoir autocratique des Bongo, père et fils, pendant plusieurs années, en en étant même le bouclier et la main qui réprimait.
On peut également parler de libération et même de révolution, lorsqu’un mouvement de libération ou une armée régulière chasse du pouvoir un régime longtemps installé, une dictature ou une monarchie. Est-ce le cas au Gabon, où il n’y a pas eu un reversement total de table, mais plutôt un réaménagement des meubles, ces derniers étant toujours les mêmes ?
Et comme il n’y a pas eu de renversement total de table, s’accompagnant d’effusion de sang et donc de morts, pourquoi l’article 170 de la nouvelle loi énonce que : « les acteurs des évènements allant du 29 août à l’investiture du Président de la Transition ne seront ni poursuivis ni condamnés » ? Peut-on poursuivre et condamner des « libérateurs ». Que s’est-il réellement passé entre le 29 et le jour de l’investiture du Président de la Transition ? De quels crimes commis veut-on amnistier les auteurs du coup d’Etat du 30 août 2023 ? Ont-ils tué des Gabonais, Ont-ils pillé les caisses de l’Etat ? Peut-on collectivement amnistier des personnes ayant commis de tels crimes. A quel moment les a-t-on identifiées. S’il s’agit de militaires et de civils, quels sont leurs noms ? Que cache cette amnistie dont l’article 169 énonce préalablement que l’on ne peut y revenir ?
Toutes ces questions taraudent tellement les esprits des Gabonais qu’ils éprouvent beaucoup de mal à avaler le « vin » qui leur est proposé. Ils le trouvent indigeste et donc non consommable.