En langue française, restaurer quelque chose signifie la remettre à l’état, telle qu’elle était avant. Ali Bongo Ondimba et ses lobbies successifs, la fameuse « légion étrangère », l’Association des Jeunes Emergents Volontaires(AJEV) et la « Young Team », avaient bouleversé l’ordre établi en République gabonaise par le défunt chef de l’Etat Omar Bongo Ondimba. Un ordre vieux de plus de quarante ans, avec ses acteurs, ses habitudes, ses privilèges en termes de rente, ses réflexes. Non pas qu’ils y avaient changé grand-chose, mais en y ajoutant tout simplement une couche supplémentaire aux pratiques qui le caractérisaient déjà.
Des pratiques qui avaient pour noms : la corruption, l’enrichissement illicite par des détournements massifs des deniers publics, la gabegie, le clientélisme, le favoritisme, les pots-de vin, les dessous de table, le piston, la concussion, le tribalisme, l’ethnisme, le régionalisme.
Des pratiques bien nauséabondes qui avaient amené le défunt chef de l’Etat à se confesser en novembre 2017, peu de temps avant sa mort, en s’écriant « Dieu ne nous a donné le Gabon pour en faire ce que nous sommes en train de faire… » .
En mettant une couche supplémentaire à toutes ces pratiques, Ali Bongo Ondimba et ses lobbies successifs ont également, et progressivement, mis à la touche ceux qui en étaient les bénéficiaires. Ils ont, dirait-on, nettoyé les écuries d’Augias, pour ne pas dire d’Omar Bongo Ondimba.
Des « Bongoistes » de première heure, ceux qui avaient fait la pluie et le beau temps durant la période de parti unique ont ainsi été marginalisés et presque mis à la retraite politique. Ils ont de ce fait été éloignés de la vache laitière qu’était pour eux l’Etat rentier gabonais. « On ne fait pas du neuf avec du vieux », dixit un certain Ali Akbar Onanga Yobeyeghe qui, lui-même, s’entendit rétorquer quelque temps après : « qui boude bouge ». Avant que ceux-là qui faisaient boucher soient eux-mêmes débarqués du plancher, pour aller méditer sur leur sort dans les geôles de la Prison centrale de Gros Bouquet de Libreville, surpris qu’ils fussent par les évènements du 30 août 2023.
Et ce sont les auteurs de ces évènements qui ont annoncé la « restauration des institutions ». Chaque Gabonais l’a entendu tel qu’il le voulait. D’aucuns ont pensé à une transformation radicale de l’ordre ancien. Presqu’une révolution. Ce sont ces derniers qui ont jubilé et exulté dès les premières heures du coup d’Etat militaire, en le qualifiant de « coup de la libération » et le Général Brice Clotaire Oligui Nguema de « messie ». D’autres, pessimistes, n’ont pas manqué dès ces premières heures de soutenir qu’il s’agissait, en réalité, d’une affaire interne. En d’autres termes, d’une révolution de palais. Cependant que certains autres sont restés dubitatifs, attendant de voir la suite.
Cette suite semble aujourd’hui aller dans la direction d’un retour à l’ordre ancien. Toute chose qui vient d’être confirmée avec la réapparition triomphale, avec tambours et clarinettes, du PDG ancien aux premières loges de la scène politique nationale. Ce qui n’a guère surpris ceux-là qui soutenaient, avec beaucoup de difficultés à convaincre, qu’il ne s’agissait, en fait, rien que d’un règlement interne. L’histoire ne leur donne-t-elle raison par les temps qui courent, avec cette restauration des institutions qui prend des allures de ce retour à l’ordre ancien, sans qu’aucune institution républicaine, proprement dite, n’ait été restaurée. Les signes annonciateurs d’un tel retour étaient déjà perceptibles dès la mise en place des différents organes de la Transition. Venant de l’opposition naguère qualifiée de radicale (sic), des barons du PDG qui étaient allés s’y recycler, y ont retrouvé leurs « camarades » d’antan. Et la famille a commencé, petit à petit, à se reconstituer.
Ce qui correspond bien à la définition d’une restauration, à savoir : remettre quelque chose à l’état, telle qu’elle était avant.