Le quiproquo est volontairement et savamment entretenu. D’aucuns voudraient imposer un débat qui n’est pas encore à l’ordre du jour au Gabon, celui de dresser un bilan du CTRI et du Général Brice Clotaire Oligui Nguema à la tête de l’Etat, tout en sachant qu’il ne s’agit, au stade actuel, que de l’élaboration et de l’adoption, par voie référendaire, d’une nouvelle Constitution de la République gabonaise. Stratégie bien imaginée ! Cependant, la ficelle est trop grosse pour ne pas être aperçue.
En toute objectivité, sauf à faire preuve de très mauvaise foi, personne ne peut nier que depuis que le CTRI, avec à sa tête le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, a pris les leviers de l’Etat gabonais voilà plus d’un an, plusieurs chantiers ouverts par le régime déchu, et restés inachevés, sont allés à leur terme. D’autres ont été lancés. Il y a eu des inaugurations et des poses de première pierre. De grands travaux ont été annoncés- encore faudrait-il que ceux qui vont les mener aient le mandat du peuple souverain- Des mesures sociales ont été prises pour améliorer les conditions de vie de certaines catégories de Gabonais, à l’instar du relèvement à la hausse des pensions de retraite des ex-agents de l’Etat, de la reconduction de la bourse d’études aux jeunes Gabonais des collèges et lycées, de la reprise des embauches dans la fonction publique, ainsi que de l’organisation des concours d’admission aux grandes écoles .
Tout ceci est encourageant et à saluer. Nul ne peut s’y opposer. Cela participe des politiques à mener par n’importe quel pouvoir politique, pour le bien-être des gouvernés, qu’il soit de transition ou pas. Parce qu’au cours d’une Transition, quelle qu’en soit la durée, il faut bien que les habitants du pays concerné mangent, se fassent soigner, scolarisent leurs enfants, aient droit à des logements décents et aux loisirs, vivent en toute sécurité. Il n’y a donc que ceux qui gouvernent pour leur assurer ces besoins quotidiens et élémentaires. Il est de ce fait démagogique et même populiste d’en faire un bilan. Parce que si un pouvoir, quel qu’il soit, ne satisfaisait pas ces besoins fondamentaux, que ferait-il alors à la place ?
Là n’est donc pas aujourd’hui la question, en ce qui concerne le référendum. La question qui sera prochainement posée aux électeurs Gabonais n’est pas de savoir s’ils approuvent, ou pas, la politique menée par le CTRI depuis qu’il a pris les commandes de l’Etat, et encore moins s’ils disent « Oui » ou « Non » à Oligui Nguema ?
Lors de leur toute première prise de parole dans la nuit du 30 août 2023, le CTRI qui venait d’être constitué a annoncé la « restauration des institutions » et rien d’autre. Dans la même foulée, un Dialogue national inclusif avait également été annoncé, avec en perspective la convocation d’une Constituante, laquelle devait élaborer un projet de constitution à soumettre à l’approbation du peuple par référendum.
C’est sur ces faits essentiels que le CTRI et le Général Brice Clotaire Oligui Nguema sont attendus et être prioritairement jugés. Et non sur le nombre de kilomètres de routes construites, bitumées ou bétonnées, le nombre d’édifices publics inaugurés, le nombre d’embauches dans la fonction publique, le nombre de bourses d’études allouées o de jeunes Gabonais, le nombre de concours administratifs organisés etc.
C’est là créer volontairement un grave quiproquo entre acteurs politiques et au sein de l’opinion. C’est même fausser le débat à des desseins inavoués.
Avec le référendum en perspective, il s’agira de se prononcer pour « OUI » ou « Non » pour une Constitution qui instaure un régime présidentiel dans le pays. Un régime mono-céphale qui hyper-concentre tous les pouvoirs dans les mains d’un seul homme, le Président de la République, au mépris du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, au point où il pourrait dissoudre le Parlement et où il demeure toujours le tuteur du pouvoir judiciaire, en présidant l’autorité judiciaire qu’est le Conseil supérieur de la magistrature.
C’est de cela qu’il s’agit, en ce qui concerne le choix d’un nouveau système politique dans le pays, après cinquante-quatre (54) ans d’autocratisme, pour ne pas dire de monarchie des Bongo.
Va-t-on réinstaurer une nouvelle monarchie qui ne dit pas son nom à la place d’une autre tant décriée ? Telle est l’une des questions fondamentales du débat en cours. Et c’est là tout l’enjeu du choix d’un nouveau système politique au Gabon, par les temps qui courent.
Il s’agira également de se prononcer sur les nouveaux critères d’éligibilité à la Présidence de la République. Une des autres questions fondamentales étant de savoir si « oui « ou « non » la loi fondamentale d’un pays doit consacrer l’exclusion, en contenant des dispositions discriminatoires qui excluent les enfants de couples mixtes, les binationaux, les citoyens en situation de handicap, les citoyens résidant dans des pays étrangers, les citoyens ou citoyennes marié (es)à des personnes d’origine étrangère . Tout ce beau monde doit-il être exclu de la course à la Présidence de la République ?
En d’autres termes, doit-on valider par un « OUI » ce type d’apartheid ou s’y opposer en disant « Non ».
Sur tout un autre plan, et concernant l’amnistie générale, le coup d’Etat militaire du 30 août 2023 ayant eu lieu sans effusion de sang, qui amnistie-t-on dans ce cas ? L’amnistie étant un problème relevant de certaines circonstances historiques, parfois imprévisibles, doit –on l’instaurer dans une Constitution qui se veut pérenne ou alors attendre d’en faire une loi selon les circonstances ? Ne s’agit-il pas, en fait, d’un chèque en blanc en prévision des répressions futures ? Et n’instaure-t-on dans la constitution une disposition qui accorde l’immunité à tout auteur d’un coup d’Etat ?
Voilà les sujets essentiels sur lesquels les électeurs gabonais doivent se prononcer prochainement par un « OUI » ou « Non ». Le reste n’est qu’un quiproquo volontairement entretenu, répétons-le, à des desseins inavoués.