Ex-opposants gabonais : tout ça pour ça !

Sans même savoir ce qu’allait proposer  les militaires qui venaient de s’emparer des rênes du pouvoir lesquels,  par la voie de leur leader (le Général Brice Clotaire Oligui Nguema), annonçaient les couleurs en déclarant : « il n’y a plus désormais, ni majorité ni opposition », il eut une salve d’applaudissements dans la salle, accompagnée de plusieurs « youyous » à vous percer le tympan. Ce fut juste au lendemain du coup d’Etat. Une déclaration pourtant très prémonitoire !

 Par cette simple déclaration ce fut, pour les ex-opposants au régime d’Ali Bongo Ondimba, le  fameux « coup de la libération ». Enfin ils sortaient, et étaient effectivement libérés, d’une opposition  devenue pour eux un sacerdoce .Une opposition au sein de laquelle ils ne pouvaient plus tenir plus longtemps. Habitués qu’ils avaient été, du temps d’Omar Bongo Ondimba, aux privilèges liés à des situations de rente, aux honneurs, au train de vie ostentatoire.

 En quelques mots à la belle vie.

 Malheureusement, cette joie exprimée, sans réserves, donnait l’impression que le Gabon  venait de sortir de plusieurs années de néocolonialisme et de sous- développement. Elle faisait comme si le pays se débarrassait enfin d’une dictature aux relents monarchiques. Ce fut surtout  comme si toutes les contradictions internes s’effaçaient par un coup de bâton magique.

 Aujourd’hui, à y regarder de plus près, on se rend bien compte que seuls les ex-opposants au régime d’Ali Bongo Ondimba avaient applaudi à se rompre les phalanges et jubilé à gorges déployées, savaient, eux, qu’il s’agissait tout simplement de leur retour triomphal aux affaires, après tant d’années, pour certains, de recyclage dans l’opposition.

 Et voilà pourquoi ils ne pouvaient se soucier de l’avenir.

Peu leur importe donc, aujourd’hui, si la Constitution en cours d’élaboration porte les germes d’une autocratie, ce type de système politique qu’ils critiquaient à longueur de journées avec véhémence, souvent à coups de déclarations incendiaires, d’effets de manches, de coups de menton et autres rodomontades.

 Le type de système qui avait conduit les Bongo à faire du Gabon une monarchie  ne disant pas son nom, avec un Président de la République omniprésent, omniscient et omnipotent.

 C’est vrai que beaucoup d’entre eux s’en accommodaient, tant qu’ils y trouvaient leur compte. Le seul procès qu’ils faisaient à Ali Bongo Ondimba est de leur avoir ôté le biberon de la bouche. D’où la hargne, la virulence, la violence avec lesquelles ils l’ont combattu.

 Peu leur importe également, toujours aujourd’hui, si la même loi fondamentale contient des dispositions discriminatoires à l’endroit de nombreux Gabonais qui n’y sont pour rien si leurs pères ou leurs mères sont d’origine « étrangère » ou qui pour des raisons diverses, ont acquis une double nationalité.

 Qu’est- ce  d’ailleurs c’est qu’ un Africain « étranger » dans des pays dont les frontières avaient été tracées par les colons français, anglais, espagnols ou allemands, au gré de leur intérêts et au mépris des réalités sociologiques, culturelles historiques et même géographiques des peuples qui se sont retrouvés séparés ?

 Aussi curieux que cela puisse paraitre, nombreux sont autour de la mangeoire de la Transition  qui souhaitent y restés après, ces Gabonais issus de couples mixtes ou ayant acquis une double nationalité, lesquels ont choisi délibérément de se faire hara-kiri. Ils sont ministres, membres du cabinet présidentiel, parlementaires de la Transition.

 Le fait, pour eux, d’être autour de la mangeoire et souhaitant toujours y rester, les oblige à se renier, en oubliant d’où ils viennent et qui ils sont. Ils se reconnaitront. Ou pas, dans la mesure où la plupart est née avant la honte.

Toujours à propos des discriminations, ils n’ont que faire ces ex-opposants au régime d’Ali Bongo Ondimba, si leurs compatriotes en situation de handicap sont exclus de la vie politique nationale et ne peuvent avoir aucune ambition de devenir président de la République, en raison justement de leur état physique, qu’ils ne sont allés acheter nulle part.

 Là aussi, et plus curieux encore, certains Gabonais assis autour de la mangeoire ont cessé de se mirer le matin, afin de ne pas se rendre compte qu’ils sont en situation de handicap, l’essentiel pour eux, et par les temps qui courent, est de prendre part au festin que leur offre les militaires, de se gaver et se remplir les estomacs.

D’autres ex-opposants au régime d’Ali Bongo Ondimba, septuagénaires et octogénaires qui, jadis, avaient des ambitions présidentielles, lesquels sont aujourd’hui discriminés en raison de leur âge, s’en moquent comme de leur premier discours d’opposant radical, pourvu qu’ils soient traités aux petits oignons autour de la mangeoire.

Voilà donc ce qu’était l’opposition gabonaise, un refuge d’opportunistes, d’hommes et de femmes sans convictions, ne s’étant battu rien que pour assouvir leurs mesquines ambitions personnelles. Ils   ne se servaient du peuple, au nom duquel tous s’exprimaient, rien comme piédestal. Ce peuple auquel ils veulent imposer un régime politique plus autocratique[CM1]  que celui déchu. Un peuple au sein duquel il va désormais exister des citoyens de seconde zone, presque des sous-citoyens.

C’était donc tout ça pour ça !


 [CM1]

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