« Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finit toujours par se lever », disait un vieux sage des « Plateaux Batéké ». Les Fang du Nord du Gabon conseillent de « ne jamais manger de l’Odika (Ndok) en perdant de vue qu’il colle aux lèvres ».
La Constitution de la République gabonaise de 1991, celle qui avait ouvert une nouvelle ère dans le pays, après vingt (22) ans de parti unique, consacrait le multipartisme comme système démocratique qui devait régir la vie politique gabonaise.
Ce fut après plusieurs années de luttes multiformes menées par le peuple gabonais. Certains en ont payé un prix fort, avec de lourdes peines de prison, perte de leurs emplois et autres formes de privation des libertés. D’autres ont été obligés de s’exiler.
Une manière de dire que ce multipartisme, arraché de ces hautes luttes, n’a pas été un cadeau de la part du défunt Omar Bongo Ondimba. Il y a été forcé, puisque de Bitam, dans le Nord du pays, en novembre 1989, alors qu’un vent fort de démocratisation des systèmes politiques de l’époque soufflait déjà dans le monde entier, il déclarait encore, sans ambages, « Tant que je serai au pouvoir dans ce pays, il n’y aurait jamais de multipartisme ».
Les faits l’ont démenti quelques mois plus tard. En mars-avril 1990, ce multipartisme s’est imposé à lui, suite à une Conférence nationale qui ne fut pour autant pas souveraine. Et quels que soient les tripatouillages survenus depuis lors dans la Constitution, cela n’a jamais été remis en cause. Et ce n’est guère à cause de ce multipartisme qu’il y a eu, par la suite, déni de démocratie dans le pays, avec des coups de force électoraux qui n’en finissaient pas, les perdants ayant toujours été déclarés vainqueurs. Ce qui engendré de récurrentes crises politiques aux issues laissant tout le monde sur leur faim.
C’est cette situation, ce verrouillage de la voie pouvant amener à l’alternance politique au sommet de l’Etat, ainsi que dans les autres institutions républicaines, que le coup d’Etat militaire du 30 août 2023, tente de débloquer.
Curieusement, les inquisiteurs du Dialogue national inclusif-exclusif d’Angondjé, qui s’en est suivi, ont rendu les partis politiques, et donc le multipartisme, responsables d’une telle situation de verrouillage du processus démocratique en cours dans le pays depuis 1990. Et ce fut leur procès, s’étant conclu par cette sentence impitoyable : « suspension de tous les partis politiques », sans pourtant la motiver, c’est dire sans faire état des chefs d’accusation.
Du coup, ce sont les associations pourtant dites « apolitiques » qui ont pris le relais .Il n’y a plus qu’elles sur la scène politique nationale. Elles se constituent, se multiplient, mobilisent, occupent les espaces publics, même sans autorisation et font parler d’elles.
Se pose alors le problème des élections post- Transition. Qui investira les candidats et les listes aux prochaines élections, législatives et locales, les partis politiques ou les associations ? Quelles seront les configurations des deux hémicycles, de l’Assemblée nationale et du Sénat ? Les groupes parlementaires se constitueront-ils sur la base des partis politiques ou des associations ?
Autant de questions qui rendent dubitatif et perplexe, à l’allure où vont les choses. Cependant, une chose est sûre, à moins que cette disposition ait été changée dans la nouvelle constitution, celle toujours en vigueur stipule : « les partis politiques et les groupements de partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement, dans le cadre fixé par la loi, selon les principes du multipartisme … ». Ceci est aussi clair que l’eau de roche.