Un référendum aura lieu, selon les prévisions des autorités de la transition, au mois de décembre 2024, aux fins d’adopter la nouvelle loi fondamentale de la République gabonaise. Jusqu’à présent, nul n’en sait rien de son contenu, pour qu’un débat s’installe au sein de l’opinion publique du pays, lequel débat permettrait aux électeurs de trancher en toute connaissance de cause, le moment venu – expression jadis chère au parti politique « Union Nationale-
Hormis ce qu’on en sait des recommandations du Dialogue National Inclusif- Exclusif d’Angondjé, rien ne filtre. Ce qui donne libre cours à de multiples spéculations. Un Comité consultatif constitutionnel (sic) a pourtant été mis en place. Il devait livrer sa copie à la date du 15 juin 2024. Jusqu’à ce jour, personne ne l’a lue. Seule une radio internationale, RFI, pour ne pas la nommer, a révélé quelques bribes. Et il n’y avait rien de plus par rapport à ce qu’on en sait déjà et qui est contenu dans le rapport des assises d’Angondjé : le Gabon s’oriente vers un régime présidentiel, avec suppression du poste de Premier ministre, le Président de la République devenant de facto chef de l’Etat, en même temps chef de gouvernement.
Tout prête ainsi à croire ou à comprendre que la question ne serait même plus rebattue, et qu’il n’y aurait plus un autre son de cloche. Et pourtant, sous le règne d’Ali Bongo Ondimba, des voix s’élevaient pour dénoncer le présidentialisme qui était en vigueur et plaidaient qui pour un régime parlementaire, qui pour d’autres systèmes politiques. Est-ce à dire que sur cette question et bien d’autres, les militaires ont mis tout le monde au pas, c’est désormais le »circulez, il n’y a plus rien à voir » ? Tous les ex-opposants qui s’affublaient l’épithète de radical sous Ali Bongo Ondimba ont l’air d’avoir avalé leurs langues. Il n’y a plus de rodomontades, d’effets de manche et autres coups de mentons. Autant on ne les a guère entendus sur le retour de la gestion des élections politiques au Ministère de l’intérieur ; autant on ne les entend pas sur la révision de la Constitution.
Et pourtant il s’agit là de deux aspects fondamentaux qui crédibilisent, ou pas, toute démocratie. Deux aspects qui ont retardé pendant des décennies l’arrimage du Gabon à l’attelage des démocraties modernes. Curieusement en cette période de transition politique au Gabon, elles semblent de moindre intérêt pour les uns et les autres. Ce qui signifie que l’opposition à Ali Bongo Ondimba n’était qu’une querelle de personnes ayant jadis partagé les mêmes festins et qui se sont séparés en raison de certaines frustrations.
Revenons sur la révision de la loi fondamentale en gestation. Nous l’avions déjà écrit, avant même la tenue du Dialogue national Inclusif –Exclusif d’Angondjé, le seul système politique qui conviendrait au Gabon au stade actuel de son évolution politique et de son niveau de développement économique et social est le Présidentiel, le présidentialisme ayant fait son temps et montrer ses limites. Ce présidentialisme, tel qu’il a fonctionné pendant plus de cinq décennies au Gabon- il en est de même ailleurs, en France par exemple- est un mélange de mécanismes des régimes présidentiel et parlementaire, avec une suprématie du Chef de l’Etat. Ce dernier bénéficie d’une légitimité populaire qui le place au-dessus de toutes les autres institutions. Il a seul la qualité d’élu de la Nation entière. Le Gabon n’a donc que trop souffert de cette dualité : régime parlementaire et en même temps présidentiel, avec des chefs d’Etat omniprésent ; omniscients et omnipotents et des premiers ministres bouc’ émissaires ou fusibles à faire sauter dès la moindre tension. Pour sortir de cette dualité, le régime présidentiel nous parait plus approprié, soutenions-nous dans nos différentes éditions, avant et après le Dialogue National Inclusif-Exclusif d’Angondjé. Aussi sommes –nous satisfait que cette option ait été envisagée. Elle rend le Chef de l’Etat seul responsable des réussites et des échecs des politiques menées sur la base sur la base d’un projet de société qu’il aurait préalablement à l’approbation du peuple et il n’y aurait plus de Premier ministre bouc ’émissaire.
Si cette option de régime présidentiel nous semble appropriée dans la situation actuelle du Gabon, elle prendrait cependant l’aspect d’un devoir inachevé dans le cas où la fonction présidentielle ne serait pas encadrée par un dispositif constitutionnel qui empêcherait toute dérive autocratique et même monarchique, tel que les Gabonais l’ont vécu sous les Bongo père et fils.
Il est ainsi du fait de la nomination, ou de l’élection, d’un vice –président de la République. Pour le moment, ce dernier est nommé par le Président de la République et n’a pas de missions constitutionnelles. Il supplée tout simplement le Président de la République dans les missions que ce dernier veut bien lui déléguer. Son rôle est donc effacé.
Dans l’option d’un régime présidentiel, le Vice-président de la République ne doit-il pas être élu en même temps que le Président de la République ? Cela présente un double avantage. Il y a d’abord celui de trouver une solution à la problématique d’une vacance prématurée du pouvoir à la tête de l’Etat. Dans ce cas de figure, le Vice-président de la république accède automatiquement à la magistrature suprême, sans que l’on ait besoin d’organiser une élection présidentielle anticipée. Cela a déjà eu lieu au Gabon en 1967 suite au décès du Président Léon Mba. Ce ne sera donc pas nouveau. Apparemment, à Angondjé, il a été recommandé la nomination d’un Vice-président de la République par le Président de la république, ce qui risque de conduire, comme par le passé, à une excessive personnalisation de la Fonction de chef de l’Etat.
L’autre avantage serait une détribalisation du débat politique national, dans la mesure où le candidat, ressortissant d’une quelconque ethnie du pays, ne pourrait plus avoir comme colistier à la Présidence de la République un autre ressortissant de la même ethnie
Se pose également l’épineux problème de la verticalité et de l’horizontalité des pouvoirs, et donc d’une décentralisation effective. Jacobin, l’Etat actuel du Gabon est hyper-centralisé en termes de gestion administrative, économique et financière. L’Etat –nation a confiné les populations gabonaises dans des entités territoriales peu fiables et peu viables tant économiquement que financièrement, avec des disparités notoires en matière de développement local et d’aménagement du territoire. Des entités dénommées aujourd’hui provinces au sein desquelles sont cultivés et exacerbés le repli identitaire, le clanisme, le tribalisme, le régionalisme et autres instincts grégaires.
Cette problématique de la verticalité et de l’horizontalité des pouvoirs a juste été effleurée lors du Dialogue National Inclusif- Exclusif d’Angondjé, en termes d’affectation de plus de moyens financiers aux collectivités locales. Il n’a été nullement question d’une réorganisation et d’une reconfiguration de de l’Etat, avec création de grandes entités territoriales et transfert effectif d’une parcelle des pouvoirs, politique et économique, de compétences et de ressources financières à ces nouvelles et grandes entités territoriales, afin d’en faire des pôles de développement.
La copie de la nouvelle loi fondamentale de la République gabonaise risque donc d’apparaitre comme un devoir inachevé.