Les prisons du Gabon: l'avis de chateau

Droits de l’homme et l’univers carcéral gabonais : l’enfer

On en parle beaucoup plus ces derniers temps.  Il s’agit des droits de la personne humaine et des conditions dans lesquelles vivent les pensionnaires des divers pénitenciers du Gabon. Le déclic est venu du physique que présentent certains de ces pensionnaires jugés ces derniers temps par les différentes cours criminelles du pays. La plupart se présente avec des physiques qui vous excitent les glandes lacrymales. De véritables loques. Malades de plusieurs pathologies, amaigris la peau sur les os, le spectacle n’est guère beau à voir .Laccruche Alliangha est un de ces spécimen. Il n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut lorsqu’il se présentait comme le « messager intime » d’un certain Ali Bongo Ondimba. Certains de ses compagnons ne se portent pas mieux. Du coup, cela a donné libre cours à beaucoup de spéculations. Tortures physiques et psychologiques, viols de toutes natures, rackets, extorsions de fonds, chantages, les accusations sont diverses, parfois sans fondement.

Cette condition humaine des prisonniers gabonais existe depuis des décennies. Cependant, il a fallu que le pénitencier de Gros- Bouquet de Libreville accueille d’illustres pensionnaires, l’ex-première dame, son fils et sa bande, pour qu’elle se révèle au grand jour, et que l’on en fasse des choux gras. Avant ces derniers, il y a eu la bande à Laccruche qui, aux yeux et dans l’entendement de son fan club, n’était constituée rien que de prisonniers politiques dont la sortie des geôles de la prison centrale de Gros-Bouquet de Libreville a beaucoup plus ému, que le sort réservé à ces centaines d’anonymes  de Gabonais qui y croupissent depuis des années ,pour de petits larcins, sans être jugés. Et pourtant, ce sont ces derniers qui mènent véritablement la vie de château.

Il faut dire que la plupart des pénitenciers du Gabon ont été construits à l’époque coloniale, au moment où le pays comptait à peine trois cent (300. 000) habitants. Leurs capacités d’accueil étaient donc  proportionnelles à cette démographie. La Prison Centrale de Gros- Bouquet,  par exemple, ne réservait pas plus de trois cents (300) places à ses pensionnaires. C’est vrai qu’à cette époque, il n’y avait ni « cools-mondjers », ni « bagandos » et le mot braquage n’existait pas dans le vocabulaire populaire gabonais. 

Au fil des années la population carcérale de ce plus grand pénitencier du Gabon a été multipliée par dix (10), voire plus. Les prisonniers s’entassent dans différents « quartiers » dans des conditions d’hygiène exécrables. Tous dorment à deux sur des matelas d’une seule place, les fameux  « mandats ».

 Un de ces « quartiers »,  l’un des plus surpeuplés, et aussi l’un des plus insalubres, a été dénommé le « Biafra », certainement en souvenir de ces camps où on logeait, en terre gabonaise, les ressortissants Biafrais, au moment de la guerre de sécession qui sévissait au Nigéria à la fin des années 60 ; un autre, beaucoup plus peuplé encore, se dénomme la Chine populaire, en raison de sa surpopulation.

 A l’intérieur du pénitencier, les prisonniers sont  accueillis, dans un premier temps, dans d’obscures cellules où ils dorment nus tels des vers de terre, encadrés par de dangereux malfrats, avant d’être logés et   entassés, comme des sardines dans une boîte, dans lesdits fameux « quartiers, où ils  cohabitent avec des cafards, des rats, les moustiques et autres. Il n’y a presque pas de latrines. Les pensionnaires sont, eux-mêmes, obligés de devenir des éboueurs qui déblaient leurs « quartiers respectifs, très tôt le matin, dès les tout premiers rayons de soleil, avant que ne commencent les premières séances de prières et que ne s’installent des commerçants de fortune.

  La ration quotidienne est maigre et quelconque : une cuisse de poulet et une pincée de riz, ou alors une boite de sardine. Les pensionnaires qui peuvent disposer de quelques petits moyens préparent eux-mêmes leurs repas au feu de bois, avec des vivres frais que peuvent leur apporter leurs parents. Il n’y a aucun loisir, en dehors des soirées d’Elone, les sketchs et autres danses traditionnelles que les prisonniers organisent eux-mêmes les samedis soir, ou les jeux de Ludo, de damier et de Songo auxquels ils s’adonnent à longueur de journées pour tuer le temps.

 La vie dans les quartiers est rythmée par des prières religieuses, histoire de tenter de se racheter. Le milieu est le ferment des épidémies diverses : diarrhées chroniques, tuberculose, gale, dysenterie et même choléra. Les soins sont quelconques et même rares. On y meurt facilement, dans la plus grade indiscrétion. Pour avoir passé trop de temps en prison, certains pensionnaires sont oubliés, soit par l’administration judiciaire, soit par leurs propres parents. Leurs dossiers ont même disparu des tiroirs des tribunaux. Y être exfiltré, pour rencontrer un juge d’instruction, est un véritable privilège, et encore moins un avocat, pour ceux qui peuvent en avoir. Certains périssent  même à l’insu de tout le monde, seule l’administration carcérale en est informée. D’autres, quoi que jugés, continuent à croupir dans les geôles, après avoir purgé le temps de leurs condamnations, lenteur et lourdeur administratives obligent.

Avant d’être acheminés dans l’univers carcéral proprement dit les présumés coupables passent d’abord par des gardes à-vue dans des cellules de différents commissariats de police et autres brigades de gendarmerie pour nécessité d’enquête. Des lieux qui ont beaucoup plus  des allures d’un enfer. Ces cellules sont exiguës, obscures, insalubres, infestes, nauséabondes. Dénudés, généralement après avoir subi des tortures diverses et autres sévices corporels, les gardés à vue y sont entassés tels des asticots dans une fosse. Ils n’ont droit à aucun repas. S’y côtoient : bandits de grand chemin, petits délinquants et autres malfrats, ce indépendamment du sexe .Les durées de garde à vue, tel qu’exigés par la loi, ne sont pas généralement respectés, sauf lorsqu’un procureur de la république y fait un tour. Les déferrements au parquet sont généralement négociés et monnayés entre parents des gardés à vue et enquêteurs. Et se sont installés des marchés de négociations entre lesdits parents et enquêteurs et quelques hommes en toge du parquet.

L’une des solutions est par conséquent de construire d’autres prisons dans le pays. Cependant, suffit-elle pour humaniser la vie de tous ceux qui  et celles qui ont commis des délits ? Que fait-on des conditions de détention dans les commissariats de police et autres brigades de gendarmerie ? Et pour désengorger les pénitenciers du Gabon, ne doit –on prendre également des mesures sociales qui sortiraient, notamment les jeunes, de la petite délinquance, au lieu de les mettre en contact avec de grands délinquants, dans un univers carcéral qui ne favorise pas l’insertion sociale et qui pousse plutôt à la récidive ?

 

Les droits de l’homme ne sont pas que politiques, ils concernent également des personnes présumées coupables de délits divers, et même celles qui sont déjà condamnées.

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