Dans sa récente et enrichissante tribune publiée par le quotidien « l’union » à propos du « présidentialisme et la décentralisation » qu’il qualifie de « mariage de raison » (l’union no 14525 du13 mai 2023), nous n’en voudrions pas à Flavien Enongoué- pour lequel pour nous avons beaucoup de respect et d’estime- d’avoir volontairement omis de rappeler que nous étions les premiers ,dans nos colonnes, à argumenter et à plaider pour un régime présidentiel en République gabonaise, ce dans la perspective de la « restauration des institutions », tel qu’ annoncé par les autorités de la transition. Cela 4 à 5 mois avant la tenue des dernières assises d’Angondjé.
Une telle omission est certainement due au fait que nous ne faisons pas nous, partie de ces « rares voix qualifiées qui s’étaient faites entendre à cet effet… » Nous l’assumons sans complexe aucun. N’est pas une voix qui porte qui le veut. Il faut appartenir à un cercle d’initiés, n’est –ce pas !
En dépit de cette disqualification, nous avions néanmoins abondement publié sur la problématique du choix d’un nouveau système politique au Gabon, dès que s’est ouvert le débat portant sur la « restauration des institutions. Le peu de personnes qui lisent nos colonnes de la page 8, dédiée à la rubrique « Débat », peuvent en témoigner. En nous disant favorable, cinq mois avant, à un régime présidentiel, d’aucuns nous en ont même voulus, en soutenant que nous ramions à contre- courant de l’histoire ; que nous étions pour le « pouvoir d’un seul homme ». En d’autres termes pour l’autocratie. Flavien Enongoué ne faisait pas sans doute partie de ceux-là.
Dans notre édition no 701 du 30 novembre 2023 par exemple, après avoir relevé les tares des régimes présidentialiste et parlementaire, au regard de la situation actuelle du Gabon et surtout des effets induits qui pourraient en découler au cas on conserverait le premier- le présidentialiste- ou adopter le second – le parlementaire- nous écrivions : « il faut donc que le Chef de l’Etat, unique élu de la Nation entière au suffrage universel direct, gardien de la Constitution, arbitre actif et garant des grands intérêts nationaux, lequel aurait soumis, en tant que candidat à l’élection présidentielle, un projet de société approuvé par la majorité de ses concitoyens, soit seul comptable des réussites et des échecs de l’exécution de ce projet. Qu’il soit reconduit à la tête de l’Etat en cas de réussite ou alors sanctionné dans les urnes par le peuple en cas d’échec ».
Et nous concluions : « seul le système présidentiel le permet ».
Nous ne sommes pas parvenus à une telle conclusion sans argumenter.
Avant cette prise de position, et parlant du système présidentialiste en vigueur au Gabon depuis 1969, dans les paragraphes qui précédent, nous écrivions : « … Qui dit système semi-présidentiel ou semi- parlementaire ou encore présidentialiste, dit système dualiste avec un exécutif à deux têtes, un Président de la république élu au suffrage universel direct ,seul élu de la nation entière, et un Premier ministre qu’il nomme, ce dernier pouvant être élu, ou non, dans une circonscription électorale au titre de député ou de sénateur ». Et nous nous interrogions : « Pour quelle raison donc un élu de la nation entière, et répétons-le, détenteur suprême du pouvoir exécutif, peut-il le partager avec une personne qu’il nomme et qui ne détient pas lui, un mandat du peuple entier devant lequel il n’est nullement responsable ?
Nous poursuivions notre analyse de non-initié : « C’est ce type de dualisme que l’on a connu au Gabon depuis plus d’un demi-siècle et qui fait de tous les premiers ministres nommés par les Bongo, père et fils, des boucs ’émissaires, des fusibles à faire sauter dès la moindre tension. « Le président de la République donne de bonnes orientations et de bonnes instructions, mais c’est son entourage, en occurrence le Premier ministre et son gouvernement qui ne les exécutent pas ou les exécutent mal » a-t-on souvent entendu dire ».
S’agissant maintenant du régime parlementaire, nous écrivions cette fois-ci : « …C’est en réalité un système de partis politiques ou de coalitions de partis politiques .Les équipes gouvernementales qui en découlent sont généralement instables et provoquent très souvent la paralysie du fonctionnement de l’Etat. On y organise régulièrement des élections anticipées, les gouvernements étant soumis aux aléas, aux caprices, aux humeurs, aux points de vue convergents ou alors divergents et aux intérêts de ceux qui les constituent ».
Dommage que Flavien Enongoué n’ait pas pris la peine de lire ces points du vue d’une personne dont la « voix n’est pas qualifiée », avant de soutenir qu’ «… avant le Dialogue, on comptait sur les doigts d’une main les rares voix qualifiées qui s’étaient faites entendre à cet effet… »
Venons-en à un autre sujet d’importance capitale qu’il aborde dans sa tribune, celui de la décentralisation et de l’aménagement du territoire. A ce sujet, la voix non qualifiée que nous portons s’est hasardée.
Tout en étant disqualifié pour aborder cette autre importante problématique, nous regrettons humblement qu’il l’ait circonscrite aux seuls chefs- lieux des provinces, en mettant surtout l’accent sur Libreville et ses environs. Ne s’agit-il pas d’une problématique générale englobant : redécoupage territorial en nouvelles entités administratives et politiques, aménagement du territoire et économie de développement local ?
Là aussi, dans une de nos éditions (Nku’u le messager no 704 du 03 janvier2024), nous écrivions : « la tare principale de cet Etat- nation- celui du Gabon(NDLR)- est la verticalité des centres de prise de décisions et l’hypercentralisation des pouvoirs dans les mains de l’Etat central, en occurrence du Président de la République omniscient, omniprésent et omnipotent ». Et nous ajoutions : « Cette extrême verticalité des centres de prise de décisions et cette hypercentralisation des pouvoirs dans les mains de l’Etat central ont confiné les populations dans des ghettos ethniques qui les forcent à placer le sentiment d’appartenir à une province, à un département, à une tribu, à un clan, au-dessus de celui de se réclamer d’une nation appelée « Gabon ».
Puis, nous nous interrogions par la suite : « Au-delà donc de l’objectif de restaurer les institutions, ne se pose-t-il pas aussi le devoir de sortir progressivement de l’Etat-nation et de corriger la très verticalité des centres de prise de décisions, ainsi que de l’hypercentralisation des pouvoirs au niveau de l’Etat central ?
Nous répondions : « Sortir de cette situation consisterait à avoir le courage de procéder à un redécoupage de l’espace territorial en entités géographiques plus vastes, économiquement et financièrement fiables et viables ; de vastes entités territoriales dotées d’Assemblées et d’exécutifs locaux élus, auxquelles l’Etat central, au nom d’une certaine horizontalité de gestion de l’Etat, transférerait une parcelle de pouvoirs, des moyens, des ressources et des compétences ».
Nous ajoutions : « Ce serait là l’effectivité d’une décentralisation qui permettrait à ces nouvelles entités territoriales de mener, en toute autonomie, des politiques de développement local et d’aménagement du territoire, jouant ainsi le rôle de véritables pôles de développement ».
Pour être concret, nous suggérions sous forme interrogative : « Pourquoi ne peut-on pas imaginer : les provinces de l’Estuaire et une partie du Moyen Ogooué dans une seule et même entité territoriale ; le Haut- Ogooué, l’Ogooué-Lolo et une partie de l’Ogooué Ivindo dans une autre ; une autre partie de la Ngounié et la Nyanga ; l’Ogooué maritime , l’autre partie de la Ngounié qui lui est géographiquement proche et l’autre partie du Moyen Ogooué : le Woleu Ntem et l’autre partie de l’Ogooué Ivindo, le tout dépendant de la proximité des espaces à regrouper, des ressources humaines ; des potentialités économiques et des débouchés vers l’extérieur ».
Au bout du compte, le Gabon comptera cinq (5) grandes entités territoriales appelées, comme au bon vieux temps, « Régions » au lieu de neuf (9) provinces ? ».
Ce n’était là que des suggestions, peut-être avant-gardistes, d’une voix non qualifiée