Restaurer l’ordre ancien : et non les institutions

Avant le coup d’Etat militaire du 30 août 2023, le décor institutionnel gabonais était constitué d’un parlement bicaméral, avec une Assemblée nationale et un Sénat ; une Cour constitutionnelle, un Conseil économique, social et environnemental ; un Conseil d’Etat  et une Cour des comptes. Dans la nuit du coup d’Etat, il avait été annoncé la dissolution de toutes ces institutions constitutionnelles, en même temps que le gouvernement dirigé à l’époque par Alain Claude Bilié By Nze. Une vraie révolution s’annonçait donc au sein du paysage politique gabonais, du moins l’avait-on cru. Un bouleversement de l’ordre ancien.

Quelques jours après, première grande surprise, tout ce décor institutionnel réapparut. Les organes de la Transition annoncée ne furent qu’une pâle copie de ceux que l’on croyait avoir disparu. Furent remis en place : une Assemblée nationale, un Sénat, une Cour constitutionnelle, un Conseil économique, social et environnemental et bien d’autres encore. Et le terme « restauration » eut tout son sens, dans la mesure où on ne restaure que ce qui était déjà instauré.

 Deuxième surprise, ces institutions restaurées furent confiées à des personnalités déjà connues : Jean François Ndoungou à l’Assemblée nationale ; Paulette Missambo au Sénat, Dieudonné Abagha Owono à la cour constitutionnelle, René Aboghe Ella à la Cour des comptes, Séraphin Moudounga au Conseil économique, social et environnemental.

 Des noms bien connus des Gabonais depuis plusieurs décennies. Lesquels ont fait la pluie et le beau temps dans le pays. Jean François Ndoungou par exemple a été plusieurs fois ministre, dans les précédents gouvernements, ceux constitués par Omar Bongo Ondimba, puis par Ali Bongo Ondimba. Il fut à la manœuvre lorsque fut perpétré le coup de force électoral de 2009. Occupant à l’époque les fonctions de Ministre de l’Intérieur, c’est lui qui annonça les résultats préalablement inversés de ce scrutin présidentiel, avant de proclamer quelques semaines après, la dissolution du Parti politique l’Union nationale dont le regretté André Mba Obame, le véritable vainqueur audit scrutin, fut l’un des principaux leaders. Il recommanda par la suite à ce dernier, malade et affaibli, d’aller se procurer une carte de la CNAMGS, pour avoir droit aux soins à moindre coût. Une blague de très mauvais goût

 Le nom de Paulette Missambo est très évocateur. Cette dernière a occupé plusieurs postes ministériels sous l’ère d’Omar Bongo Ondimba, dont ceux de la fonction publique, de l’éducation nationale, de la santé et des transports, avant d’aller se recycler un moment donné dans l’opposition, après avoir été l’une des membres du Comité permanent du Bureau politique du Parti Démocratique gabonais ayant orchestré la dévolution monarchique de 2009 .

Dieudonné Abagha Owono n’est pas un inconnu des milieux Pdgistes. Il a été de toutes les élections politiques organisées au Gabon depuis 1991, en tant que président de commissions électorales. Beaucoup de candidats investis par l’ex-parti unique lui doivent de ce fait leurs victoires électorales.

Séraphin Moudounga a été, pendant tout le premier septennat d’Ali Bongo Ondimba, un aristocrate émergent, arrogant et méprisant. Il ne sentait pas ce dernier et roulait la mécanique face tous ceux qui doutaient de l’arrimage du Gabon à l’attelage des pays émergents en un laps de temps. Pour des raisons qui relèvent encore du clair- obscur, il avait quitté précipitamment le Gabon sur la pointe des pieds en 2016 pour s’exiler à Paris, avant un retour triomphal au pays peu de temps après le coup d’Etat militaire du 30 août 2023.

Si cela n’est pas synonyme de restauration de l’ordre ancien, il faudrait bien redéfinir le verbe « restaurer ». Ce d’autant plus qu’avec ce verrouillage des institutions par des hommes et des femmes de cet ordre ancien, d’autres sont venus aussi bien connus, sont venus renforcer le dispositif mis en place permettant de pérenniser le système.

 Du coup PDG ( ancien et nouveau) et CTRI, tous sont devenus des « bâtisseurs », l’objectif étant de rebâtir l’ordre ancien.

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