Durant la campagne de l’élection présidentielle de 2023, il avait fait de la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un seul individu son cheval de campagne. A ceux qui venaient l’écouter au cours des meetings et autres causeries, il en faisait le seul problème qui retarde le développement du Gabon, la source du mal gabonais. Devenu le Premier ministre de la Transition, il a rangé cette préoccupation, jadis essentielle pour lui, dans les tiroirs de son bureau, tout en étant le coordonnateur national d’une campagne électorale référendaire pour l’adoption d’une Constitution qui concentrera justement tous les pouvoirs dans les mains du prochain président de la République, lequel sera désormais chef de l’Etat, chef du gouvernement, Président du Conseil supérieur de la magistrature, chef des armées, en même temps qu’il aura la prérogative de dissoudre l’Assemblée nationale devant laquelle il n’est nullement responsable. Une hyper-concentration des pouvoirs qui dépasse celle qui existait avant le coup d’Etat militaire du 30 août 2023. Raymond Ndong Sima a plié l’échine sans mot dire. Premier désaveu
La même constitution adoptée le 16 novembre dernier consacre le régime présidentiel, en lieu et place du semi- présidentiel ou semi- parlementaire qui prévalait avant. Là aussi, alors qu’il plaidait pour un régime parlementaire en tout début de la Transition, il est resté motus et bouche cousue, arguant qu’il valait mieux d’abord adopter la nouvelle constitution et l’on verra après. Deuxième désaveu
Plus édifiantes sont les déclarations du même Raymond Ndong Sima en tout début de la Transition. Interrogé par une chaine de télévision sur ce qu’il attendait des militaires qui venaient de s’emparer du pouvoir, l’actuel Premier ministre de la Transition a fait ces déclarations dignes d’un véritable démocrate. Du CTRI il attendait trois (3) choses.
Première chose, que les militaires mettent « en place un cadre inclusif qui permettra de remettre à plat l’ensemble des textes qui encadrent les élections et avant eux la constitution elle-même ». C’était donc, et pour lui, la première chose, en mettant l’accent sur le fait que la Gabon avait « une constitution qui a été tripatouillée de nombreuses fois. Il faut que le pays entier participe à sa remise à plat et que les textes qui suivent qui encadrent les élections soient revus ;
Deuxième chose, toujours selon l’actuel Premier ministre de Transition, que les militaires s’engagent « à ne pas participer aux élections qui vont suivre pour en être les arbitres objectifs qui n’auront pas de parti pris dans ces élections ».
Enfin, et troisième chose exigée par Raymond Ndong Sima, les militaires devaient donner cette fois-ci : « des garanties de ne pas s’éterniser là ». Et il avait ajouté : « il faut une transition qui dure un temps raisonnable, le temps de mettre à plat les textes, de telle sorte que tout le monde sorte de là gagnant- gagnant ».
Ces paroles de Raymond Ndong Sima, au lendemain du coup d’Etat militaire du 30 août 2023, résonnent encore et toujours dans la mémoire de plusieurs Gabonais. Au bout du compte, le « cadre inclusif qui devait permettre de remettre à plat les textes qui encadrent les élections et avant eux la constitution elle-même » n’a jamais été mis en place. Depuis Dialogue national inclusif-exclusif d’Angondjé, c’est une même équipe, verrouillée par les militaires, qui est à la manœuvre et à l’œuvre. C’est elle qui a influencé et même rédigé les recommandations ayant couronné ces assises nationales. C’est toujours elle qui a été l’auteure du projet de constitution tant querellé. Et c’est encore elle qui va pondre le nouveau code électoral attendu.
Et là encore Raymond Ndong Sima é été désavoué. Non seulement la Constitution qu’il souhaitait pour le pays est aujourd’hui une loi insipide et indigeste mais aussi, avec elle, tout indique que les militaires risquent de participer aux élections qui vont suivre, au lieu d’être ces « arbitres objectifs » qu’il voulait en faire.
Mieux, personne ne sait aujourd’hui et exactement quel est le calendrier électoral de ces militaires, notamment après l’élection présidentielle qui pourrait être organisée avant toutes. Une fois le nouveau chef de l’Etat élu, quid des organes de la Transition ?
Le pays va-t-il fonctionner avec un Président élu sur la base de la nouvelle constitution et des organes de transition, notamment le Parlement qu’il a lui-même nommé ? Cela augure une période de Transition beaucoup plus longue que prévu, laquelle ne prendra pas un « temps raisonnable » tel que le voulait Raymond Ndong Sima. Et ce que craignait ce dernier arrivera : quoi qu’il en soit, les militaires s’éterniseront au pouvoir ; un autre désaveu en perspective pour l »ancien Premier ministre d’Ali Bongo Ondimba, devenu celui de Brice Clotaire Oligui Nguema.
Lorsque l’on a subi autant de désaveux, ne devrait-on pas rendre son tablier ? Il y a là un véritable débat de conscience que devrait logiquement avoir l’actuel Premier ministre de la Transition, surtout que le poste qu’il occupe aujourd’hui ne devrait plus exister constitutionnellement.