Les ex-opposants gabonais à l’épreuve de la démocratie

Ils n’en voulaient pas plus, pour leur pays, que le départ du fauteuil présidentiel d’Ali Bongo Ondimba. Les revendications démocratiques n’étaient pour eux qu’un simple faire-valoir de la lutte qu’ils prétendaient mener.

 Ils, ce sont les ex- opposants gabonais qui, il n’y a pas longtemps, estimaient que la démocratie n’était que de façade au Gabon, que tout était à refaire, en dépit des acquis de la Conférence nationale de 1990, des « Accords de Paris de 1994, de ceux d’Arambo de 2006, et ceux du Stade des amitiés Sino- gabonaises d’Angondjé de 2017,pour ne parler que ces rendez-vous historique de la vie politique du Gabon.

 Des partis politiques, des coalitions et des plateformes  ont été créés pour faire comprendre à Ali Bongo Ondimba qu’il avait instauré une dictature dans le pays, un Etat de non- droit où se perpétraient des coups de force électoraux et où les libertés fondamentales étaient en permanence bafouées. Un diagnostic somme toute vrai au regard de la manière dont le pays était géré, lequel diagnostic s’étendait à juste titre dans les domaines économique et social.

On en était là, jusqu’au coup d’Etat militaire du 30 août 2023. Les Gabonais furent soulagés d’apprendre que c’en était fini du régime des Bongo, qu’un Etat de droit démocratique allait enfin voir le jour dans le pays ; que le culte de la personnalité était désormais derrière eux ; qu’un seul homme n’allait plus concentrer tous les pouvoirs dans ses mains ; que les élections allaient, cette fois-ci et pour toujours, être organisées dans la transparence, que les libertés publiques ne pouvaient plus être violées .Ils s’en réjouis, ont jubilé et exulté.

Pour que tout ceci se concrétise, un Dialogue national voulu inclusif a été organisé. Des ex-opposants, alliés aux militaires, en étaient à la manœuvre. Ce Dialogue a accouché d’un certain nombre de recommandations, dont celles relatives à l’élaboration d’une nouvelle Constitution, socle des nouvelles institutions dont doit se doter le pays. Le constat fait par bien d’observateurs de la vie politique gabonaise fut que lesdites recommandations n’étaient qu’une bouillabaisse avec des ingrédients tels l’autocratie, la stigmatisation, l’exclusion et la discrimination de plusieurs catégories de citoyens gabonais.

Comment, et en contrepartie de quoi, des ex-opposants qui se voulaient, il n’y a pas longtemps, vertueux, attachés aux valeurs de la démocratie, défenseurs des droits de la personne humaine ; comment et en contrepartie de quoi ces ex-opposants d’hier, disions-nous, ont-ils contribué à la préparation d’une telle bouillabaisse ?

 La réponse est vite trouvée. Certains de ces ex-opposants ont recouvré leurs rentes, notamment ceux-là à qui Ali Bongo Ondimba avait ôté le biberon de la bouche, cependant que d’autres ont acquis des positions dont ils rêvaient depuis fort longtemps.

Ils, ces ex-opposants d’hier, ont encore été mis à l’épreuve de la démocratie, lorsqu’il leur a été demandé, toujours alliés aux militaires, d’élaborer la première mouture de la nouvelle constitution. Là encore, la bouillabaisse a encore été aussi insipide et indigeste. Malgré les 801 avis motivés du Parlement de Transition, c’est cette bouillabaisse qui a été imposée aux Gabonais le 16 novembre 2024 dernier.

Aujourd’hui, toujours et encore alliés aux militaires, il leur est confié l’élaboration d’un nouveau code électoral. Lorsqu’on sait que pour organiser le référendum, ils avaient accepté sans mot dire que l’administration et la gestion des gestions politiques reviennent au Ministère de l’Intérieur, il y a de fortes chances qu’il en soit de même pour ce nouveau code électoral. Devenus amnésiques d’un passé qui a fait couler du sang et des larmes dans le pays, ils ne se rappellent plus que ce ministère qui a été toujours été le détonateur de graves crises postélectorales vécues dans le pays depuis 1993.Eux s’en moquent par les temps qui courent, l’essentiel pour eux ayant été  l’éviction d’Ali Bongo Ondimba du fauteuil présidentiel. Ils se moquent des morts et des blessés enregistrés dans le pays lorsqu’en 1993, un certain ministre de l’intérieur, du nom d’Antoine Dépadoue Mboumbou Miyakou, annonçait à la télévision les résultats d’une élection présidentielle pour laquelle le dépouillement des urnes se poursuivait dans plusieurs centres de vote de Libreville .Ils se moquent d’autres évènements dramatiques survenus dans le pays en 2009 et 2016, lorsque d’autres ministres de l’Intérieur, en occurrence Jean François Ndoungou et Pacôme Moubelet annoncèrent à leur tour des résultats des élections présidentielles qui n’étaient pas conformes au verdict des urnes.

Qu’est-ce que le fait d’avoir la bouche pleine peut rendre amnésique !

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