Les propos tenus par l’actuel Premier ministre de la Transition, Raymond Ndong Sima, sur les ondes d’une radio internationale, RFI pour ne pas la nommer, sont d’une telle gravité telle que nul ne pourrait plus prendre le Gabon au sérieux sous ’autres cieux.
Interrogé par le journaliste sur l’empressement à organiser un référendum d’adoption d’une nouvelle constitution de la République gabonaise, en dépit de nombreuses critiques qu’elle suscite, Raymond Ndong Sima a déclaré froidement : « En premier lieu, nous sommes dans une situation exceptionnelle, sortons d’abord de la transition, on verra dans la pratique ». C’est la raison pour laquelle, selon lui, cette nouvelle constitution serait bonne pour le Gabon.
En d’autres termes, faisons d’abord adopter un brouillon, on corrigera et on améliorera au fil du temps, dans la pratique. C’est comme qui dirait : « bâclons d’abord la fondation d’une maison, installons-nous et on verra après ».
Cet après qui pourrait être le moment de l’effondrement de l’édifice, avec les conséquences qui en découleront. Des conséquences pouvant être dramatiques et irréparables.
Rappelons que la Constitution est pour un pays ce qu’est un sous-bassement pour une maison. D’elle dépendent toutes les institutions républicaines. De sa solidité dépend celle desdites institutions. On ne peut donc la mettre en place par essai. Cela relève de l’irresponsabilité et même de l’immaturité. Manifestement, Raymond Ndong Sima s’en moque, comme de ses deux de Premier ministre, nommé par Ali Bongo Ondimba.
S’avouant « mal à l’aise » pour parler du nouveau n système politique, parce que Premier ministre en exercice, celui qui supprime justement ce poste, l’on a senti sa gêne à admettre qu’un tel système hyper-concentre tous les pouvoirs dans les mains d’un seul individu, le Président de la République. Il était d’autant plus gêné et embarrassé qu’il y’a à peine plus d’un, il s’y opposait fermement et farouchement. Du coup il a été obligé de reconnaitre qu’il n’y a pas de « nouveautés » dans ce qui est proposé aujourd’hui par rapport à ce qui se faisait avant.
Rappelons encore, et cette fois-ci, que le régime politique gabonais a été, pendant plus d’un demi-siècle, un mélange de mécanismes des régimes parlementaire et présidentiel. C’est à ce titre que l’on le qualifiait de présidentialiste ou semi- présidentiel ou encore semi- parlementaire. Il se caractérisait par la suprématie du chef de l’Etat, lequel bénéficiait d’une légitimité populaire qui le plaçait au-dessus des autres institutions.
On suppose que c’est de cette dualité régime parlementaire- régime présidentiel qu’ont voulu sortir les participants au Dialogue national inclusif- exclusif d’Angondjé, en proposant que soit instauré un régime présidentiel dans le pays. Raymond Ndong Sima, qui avait déclaré à cette époque qu’il était, lui, favorable à un régime parlementaire, a dû avaler cette couleuvre, il en a l’habitude. Raison pour laquelle il trouve qu’il « n’y a pas très grande différence entre ce qui se passait avant et ce qui est proposé aujourd’hui. Et alors, si tant est qu’il s’agit du pareil au même, pourquoi parle’-t-on d’un changement de système ? Et pourquoi défend –t-il ce statu quo ?
Apparemment, il défend la nouvelle Constitution dit-il, parce qu’elle serait l’émanation du peuple. « Le processus a commencé » par des consultations populaires, avec 38000 propositions venant de toutes les couches sociales, il est passé par le Parlement de Transition. Pourquoi ceux font des critiques aujourd’hui ne l’ont pas fait à ce moment précis ? », S’est-il interrogé. Avant d’ajouter « même s’il faut retomber dans les mêmes travers, l’essentiel est de sortir de la transition ».
Sacré Raymond Ndong Sima ! Il sait très bien que toutes les commissions du Dialogue national inclusif-exclusif d’Angondjé étaient noyautées par des militaires qui y dictaient leur loi. Presque des ordres ; et que le fait d’avoir demandé aux citoyens Gabonais de contribuer au débat, en y envoyant des apports écrits, n’était qu’une simple formalité relevant du populisme. Quant au Parlement de transition érigé en Constituante, il n’a émis que des avis motivés sous forme de 801 amendements dont nul n’a tenu compte ; un texte de loi de 194 articles qui sont remis en cause 801 fois, n’y a –t-il pas là une raison de le rejeter complétement ?
Il ne pouvait s’empêcher de parler d’Alain Claude Bilié By Nze, après avoir esquivé le face à face que ce dernier lui a proposé sur un plateau de télévision, Raymond Ndong Sima. Surtout que le journaliste qui l’a interviewé lui a tendu la perche.
Selon lui (Raymond Ndong Sima), son prédécesseur à la primature serait un « fossoyeur » de la politique gabonaise .Il mériterait la prison, pour avoir « violé » la loi ayant été à l’origine du coup d’Etat militaire du 30 août 2023- ce n’est plus la Young Team- Et c’est grâce à la « magnanimité » du Président de la Transition qu’il serait encore en liberté.
Raymond Ndong Sima aborde là un problème de fond, l’une des pommes de discorde qui divise les partisans du « Oui » et ceux du « Non ». Celui de la séparation des pouvoirs.
Si tel est qu’Alain Claude Bilié By Nze aurait commis des délits et des crimes, et s’il faudrait qu’il soit condamné pour cela, doit-il échapper à la justice grâce à la « magnanimité » du chef de l’Etat, ce dernier se substitue-t-il aux tribunaux ? Il le rend responsable de la révision de la constitution en février 2023. Quid de Marie Madeleine Mborantsouo qui présidait la haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle ?
C’est vrai que cette dernière bénéficie, elle aussi, de la même « magnanimité ». Raison pour laquelle, malgré tous les actes qu’il a posés, validation des coups de force électoraux et autres, elle ne peut être poursuivie. Et pour l’en récompenser, elle est même clandestinement la Présidente honoraire de la Haute Cour, après avoir été pendant plusieurs années la Gardienne du « temple des Bongo », lequel a été délocalisé de Bongoville (ancien Lewai) à Ngouoni