Malgré la réinstauration du multipartisme dans le pays, au sortir de la Conférence nationale de 1990, le Gabon n’a que trop souffert d’un déficit criard de démocratie. Les élections, notamment la présidentielle, n’ont souvent été que des mascarades. La voie de l’alternance politique était fortement verrouillée. La fonction de chef de l’Etat était personnalisée. Ce qui a conduit fatalement à une monarchie de fait, avec développement des rapports de clientèle et de parentèle au sommet de l’Etat. La non limitation des mandats du chef de l’Etat participait encore plus de cette monarchisation de l’institution qu’est le Président de la République. L’Etat de droit démocratique n’était que de nom. Le chef de l’Etat était presqu’un monarque nanti de tous les pouvoirs, avec omniprésence, omniscience et omnipotence.
Va-t-on sortir d’une telle situation avec la nouvelle constitution que les Gabonais sont appelés à adopter dans les urnes le 16 novembre prochain ?
Telle est l’une questions cruciale au moment où s’amorce ce débat avec une campagne électorale qui débute le 09 novembre prochain.
Les partisans du « OUI » qui ont d’ailleurs commencé à battre campagne avant même de s’imprégner du contenu de la mouture définitive de la nouvelle constitution, en s’appuyant essentiellement sur le fait que le nombre de mandats du Président de la république est désormais limité et que cette disposition est intangible. Faut-il leur rappeler que ce verrouillage du nombre de mandats du chef de l’Etat apparaissait dans des constitutions des pays tels le Mali, le Burkina-Faso ou le Niger, ce qui n’a pas épargné ces pays de nombreux coups d’Etat militaire.
Il ne suffit donc pas de mettre des dispositions dites intangibles dans la constitution d’un pays pour le mettre à l’abri de crises politiques.
Par contre, la séparation des pouvoirs est une garantie de l’équilibre desdits pouvoirs et un abri pour échapper à toute dérive autocratique, voire monarchique.
Qu’en est-il de la nouvelle et future constitution de la république gabonaise ? Tel qu’elle a été élaborée, et en dépit des 801 amendements faits par les deux chambres du Parlement transitoire érigé en constituante, le Président de la République cumule toutes les fonctions du pouvoir exécutif. Il en est le chef, même temps qu’il est le chef du gouvernement, qu’il peut dissoudre l’Assemblée nationale, qu’il préside le Conseil supérieur de la magistrature et qu’il est le chef suprême des armées.
Est-ce là une manière de garantir la séparation des pouvoirs et de les d’équilibrer dans la gouvernance d’un Etat républicain ? Peut-on ainsi échapper une dérive autocratique ?
Sur tout un autre plan, celui de la souveraineté de l’Etat, cette dernière impose une politique extérieure d’indépendance nationale effective et s’exprime vis-à-vis de tous pays étrangers.
La renforce-t-on en instaurant dans la loi fondamentale du pays des dispositions discriminatoires et scélérates qui excluent une catégorie de citoyens de la vie publique, violant ainsi un principe reconnu et inscrit pourtant dans l’article 15 de la nouvelle constitution, lequel énonce : « Tout citoyen gabonais est électeur et éligible dans les conditions fixées par la loi. Il doit pouvoir participer à la gestion des affaires publiques soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants élus. L’Etat garantit l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ainsi qu’aux responsabilités politiques et professionnelles ». Ceci n’est-il pas en flagrante contradiction avec les dispositions de la même loi fondamentales, lesquelles voudraient que ne soient « éligibles à la présidence de la république tous les Gabonais des deux sexes remplissant les conditions ci-après : être né d’au moins un parent gabonais, lui-même né Gabonais ; avoir la nationalité gabonaise unique ;être âgé(e) de 35 ans et de 70 ans au plus ; être marié(e) à un(e) Gabonais(e) d’au moins un parent Gabonais ;lui-même né Gabonais, ; avoir résidé au Gabon pendant 3 ans sans discontinuité avant l’élection présidentielle ; parler au moins une langue nationale ; jouir d’un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège médical qui prête serment devant la Cour Constitutionnelle ; Ce collège médical est désigné par les Bureaux deux chambres des deux chambres du Parlement ; jouir de ses droits civiques et politiques … »
Question : certains chefs d’Etat africains, notamment, les Macias Nguema, Jean Bedel Bokassa, Idi Amin Dada, Mobutu Sessé Seko, Hissein Habré, Moussa Traoré, Yaya Jammeith, Samuel DO, Moussa Dadis Camara et bien d’autres, qui ont été de fieffés dictateurs ayant laissé leurs peuples dans une misère indescriptible et leurs pays respectifs dans un état de sous-développement larvaire et criards ; ces chefs d’Etat disions-nous, ne remplissaient-ils pas toutes ces conditions ?
Il y a là bien de fausses réponses à de vraies questions. Des fausses réponses qui créent les conditions d’un recul démocratique.