Président du parti « REAGIR » qui avait jeté son dévolu sur Junior Bongo Ondimba et pour lequel Oyo, au nord du Congo-Brazzaville, était devenu un épicentre des actions politiques en terre gabonaise, François Ndong Obiang semble avoir tourné casaque. Ce revirement, il le doit au CTRI qui a fait de lui le 1er Vice –Président de l’Assemblée nationale de transition.
Et pour défendre son beefsteak, il ne jure plus aujourd’hui que par ce CRTI. Il a même oublié, comme bien d’autres Oligui-compatibles, les motivations qui l’avaient conduit, un moment donné, à se réclamer d’une opposition qui se voulait radicale (sic). On l’avait vu sabler le champagne lors de la clôture des travaux de la Constituante qui avait examiné et émis des avis motivés sur le projet de la nouvelle constitution. Peu lui importait si cette dernière (la Constituante) avait charcuté ce texte en y faisant 801 amendements. De quoi le rejeter et surtout de ne pas s’en réjouir. Et parmi les parlementaires de transition qui l’ont justement rejeté, il y a ceux de son propre parti politique « REAGIR ». La preuve qu’il n’est plus en harmonie avec les siens.
Samedi 19 octobre dernier, il était en meeting dans le deuxième arrondissement de Libreville, plus précisément à l’Ecole catholique de la paroisse St Michel de Nkembo. Et beaucoup sont venus l’écouter .Il y avait là, quelques membres du gouvernement de transition, d’anciens premiers ministres, des caciques du PDG. Presqu’un aéropage de personnalités ayant fait la pluie et le beau temps dans cet arrondissement de Libreville. Des habitués de telles rencontres qui se terminent toujours par des festins et des libations étaient aussi au rendez-vous.
Plusieurs discours prononcés n’ont même pas effleuré, une seule fois, le débat de l’heure portant sur l’adoption le 16 novembre prochain d’une nouvelle constitution de la République gabonaise. On a plutôt parlé du chômage et l’emploi des jeunes et des réalisations, en un temps record, du CTRI.
Seul le principal orateur du jour, François Ndong Obiang, pour reparler de lui, après un bain de foule, l’ a abordé avec des propos intellectualistes, en évitant habilement les problématiques qui fâchent et qui ont soulevé un tollé dès la mise sur réseaux sociaux de la mouture initiale du projet constitutionnel, notamment le régime présidentiel proposé et les critères d’éligibilité à la fonction de Président de la république.
Il les a abordés en ces termes : « (…) Le référendum à venir est donc un moment clé dans ce processus car il permettra à notre peuple de s’exprimer directement sur les réformes nécessaires et les choix qui façonneront notre avenir commun ».
Monsieur de Lapalisse ne dirait pas mieux et plus. Monsieur de Lapalisse fut ce personnage qui rappelait toujours des vérités observables et sues de tous. D’où le terme « lapalissades ». Par exemple, il pouvait rappeler qu’il pleuvait, alors que tout le monde s’en rendait compte.
Autre lapalissade, toujours pour parler de l’hyper-présidentialisation du nouveau système politique gabonais, tel qu’il est proposé par le CRTI, le PDG et les religieux : « au-delà des querelles de régime politique, des conditions d’éligibilité et bien d’autres points, notre priorité doit être de construire un avenir meilleur pour les Gabonaises et les Gabonais ».
En d’autres termes, on peut tout mettre dans la nouvelle constitution, même des dispositions portant des germes d’une dérive autoritaire, voire monarchique, et d’autres discriminatoires, cloisonnant les Gabonaises et Gabonais, en les catégorisant selon les origines de leurs géniteurs, leur statut matrimonial, leur âge, leur état physique, l’essentiel est de « construire un avenir meilleur pour les Gabonais et Gabonaises ».
La Constitution d’un pays, socle sur lequel reposent les institutions, est-elle un projet économique, social et culturel porté par tel ou tel acteur politique et destiné à construire un avenir meilleur pour les habitants dudit pays ?
Puis encore, est venue de sa bouche[CM1] cette autre lapalissade : « la constitution qui vous sera présentée est une œuvre humaine élaborée dans le but de refonder notre pays et de nous offrir une véritable chance d’émancipation ».
Une habile façon de reconnaitre, sans l’avouer et sans le dire, que toute œuvre humaine, à l’instar de l’actuel projet de constitution, est toujours sujette à erreur.
Et enfin cette dernière lapalissade : « le régime présidentiel que nous adoptons présentent certainement des limites comme bien d’autres, mais telle est la volonté des commissaires d’Angondjé réunis pour le Dialogue national », avant d’ajouter « il a l’avantage de promouvoir une responsabilité accrue et une efficacité dans le processus décisionnel ».
Autrement dit, François Ndong Obiang admet qu’il y a des « limites » dans le projet actuel. Cependant, comme il est, pour lui, l’émanation de la « volonté des commissaires d’Angondjé réunis en Dialogue national », ces « limites » qui peuvent poser des problèmes dans l’avenir peuvent être volontairement ignorées et ledit projet validé. On verra après. Ne peut-on pas lui demander quelle est la légitimité populaire de ces commissaires d’Angondjé, qui les a mandatés, en dehors du CTRI, pour produire un projet qui présente des « limites » identifiées dès le départ par François Ndong Obiang lui-même et qui hypothèquent l’avenir de tout un peuple ? Autre interrogation : qui a dit que les régimes politiques autoritaires et dictatoriaux n’ont pas de « responsabilité accrue et une efficacité renforcée dans le processus décisionnel » ?
Avec autant de lapalissades pour esquiver un sujet sérieux, cela s’appelle défendre son beefsteak.