Généralement, lorsqu’un parti politique perd le pouvoir, soit par les urnes, soit par une insurrection populaire ou militaire, c’est toujours la conséquence d’un échec, la résultante d’une mauvaise gouvernance du pays.
C’est ce qui est arrivé au Parti démocratique Gabonais le 30 août 2023. A maintes reprises, les Gabonais avaient exprimé leur ras-le-bol vis-à-vis de ce parti au cours des échéances électorales successives depuis 1991. Ils n’ont toujours pas été entendus.
Lors du premier scrutin présidentiel de décembre 1993, ils ont désavoué son candidat dans les urnes, cela s’est soldé par un premier coup de force électoral, lequel avait fait couler du sang. Et il eut les « Accords de Paris » pour recadrer le processus démocratique qui était en cours dans le pays.
Le même scénario s’est reproduit en 2009 et 2016, pour ne prendre l’exemple de ces années au cours desquelles le Gabon a failli basculer dans l’inconnu. L’armée, dont principalement la Garde républicaine, et Marie Madeleine Mborantsouo ayant imposé chaque fois à la tête de l’Etat le candidat à l’élection présidentielle qui aurait été battu à plate couture dans les urnes.
Ce qui veut dire que de 1991 à 2016, le fossé de désamour qui séparait le peuple gabonais au principal parti politique au pouvoir, le PDG, s’est élargi. Etre qualifié de Pdgiste relevait de la pire des injures. Ce parti politique était rendu responsable, à tort ou à raison, de tous les maux qui minent le Gabon. Ses responsables étaient accusés de détournements massifs de deniers publics, de corruption généralisée et d’affairisme, de gabegie, de clientélisme, de népotisme, d’ethnisme, de tribalisme, de crimes rituels etc.
Et c’était beaucoup plus à raison, puisque son Président- Fondateur, Omar Bongo Ondimba a reconnu et dénoncé publiquement ces maux peu de temps avant de s’en aller dans l’au-delà. C’était au cours d’un discours devenu mémorial prononcé en novembre 2007, lorsqu’il s’était écrié : « Dieu ne nous pas dit de faire du Gabon ce que nous sommes en train de faire. De là- haut, il nous observe et dit amusez- vous, le jour viendra où je vais vous sanctionner… ».
Apparemment les dirigeants du PDG, anciens ou nouveaux, n’ont pas tiré les leçons qu’il fallait de ces paroles testamentaires. Ils ont continué à fonctionné et à diriger le pays comme si cette alerte n’avait pas été donnée. Puis, tout un coup et patatra, des intrus, des militaires, sont entrés par effraction dans l‘arène politique dans la nuit du 30 août 2023.
Et le peuple gabonais s’est mis à jubiler, pensant naïvement que c’en était fini du PDG. Dans la liesse et l’euphorie, d’aucuns ont même suggéré d’envoyer les Pdgistes à la potence. Dans les quartiers dits sous-intégrés du Grand Libreville, certains de ces Pdgistes ont même frôlé le lynchage populaire. En tout cas, il ne faisait plus bon de se réclamer de ce parti. A défaut du lynchage populaire, les militants de l’ex- grand parti de masse (sic) étaient devenus la risée de tous.
Dans cette jubilation passionnée et émotive, ce que d’aucuns n’observaient pas, c’est qu’une partie du PDG, sortie par la petite porte par les militaires, était en train de rentrer par la grande, Ali Bongo Ondimba ayant été contraint de débarrasser le plancher. En opérant un tel retour sur la pointe des pieds, cela n’a pas empêché les « camarades » de Louis d’occuper des fauteuils ô combien prestigieux dans les différents organes de la transition. Ils sont aujourd’hui au cœur même de la gestion de l’Etat. Ils sont majoritaires dans les deux chambres du parlement de transition où ils occupent les perchoirs, ils ont les portefeuilles clés du gouvernement de transition et on les retrouve en bonne place dans l’administration centrale.
Mieux, honni, vomi et voué aux gémonies au moment du coup d’Etat militaire, et sans se remettre en cause en faisant une introspection et une rétrospection de tout ce qui lui arrivé, voilà le PDG –du moins une partie- pardonné de tous ses péchés, au point où le CTRI a désormais besoin de lui pour faire passer ses projets et pour gouverner ensemble.
Du coup, exit Ali Bongo Ondimba et son Bongo-PDG, Place au CTRI-PDG. Comment un parti politique qui a été tant décrié, vilipendé, ses dirigeants destinés à être brûlés au bûcher peut-il rebondir en un temps record au point de redevenir la principale force au pouvoir dans le pays ?
C’est l’exception gabonaise. Peut-être que d’autres pays s’en inspireront.