Cela s’appelle mettre les petits plats dans les grands. Le festival culturel de Bitam, dans le nord du Gabon, a tenu toutes ses promesses, tellement la fête était belle. Les organisateurs n’ont ménagé aucun détail. La ville de Bitam a honoré sa réputation de « cité des 3Frontières », au confluent du Gabon, du Cameroun et de la Guinée équatoriale. Des frontières reposant sur un même socle culturel en partie démantelée par l’entreprise coloniale.
Ce sont les parties éparses de ce socle, que la Fondation DZU’ULU, sous la houlette de Patrick Eyogo Edzang, un fils du terroir, dont la fondation porte le nom de son géniteur, Richepin Eyogo Edzang, –plus connu sous le petit nom de Dzu’ulu- tente de ressouder depuis trois ans. L’objectif étant de réveiller et de ressourcer la mémoire collective du peuple Ekang, en rétablissant le lien qui le conduirait vers son passé le plus lointain.
Un parcours au cours duquel ceux qui prennent part à ce Festival découvrent les danses traditionnelles, celles qui avaient lieu au clair de lune, ou pendant la journée, lors des moments de réjouissances ou alors de simples divertissements, pendant les retraits de deuil et autres circonstances festives. Cette année, le « Mengane », l’ « Obuss », le « Ndong Mba », le « Mekom », le « Matsakando », l’ »Omiass », le « Congo », l’ « Ozila » l’ « Elone » pour ne citer que ces danses emblématiques étaient au rendez- vous et les expressions corporelles se rivalisaient, Il y avait même quelque chose de mystique avec le « Ndong Mba ». Sont venues en renfort, d’autres danses traditionnelles venues du Sud du Gabon
Dans le même parcours, les festivaliers ont découvert la gastronomie Ekang. Dans les nombreux stands construits par les organisateurs, et comme chaque année depuis trois ans, étaient proposés aux nombreux festivaliers venant de Guinée équatoriale, du Cameroun et de toutes les provinces du Gabon, des mets divers et variés traduisant la richesse de l’art culinaire Ekang. On avait la possibilité de déguster et même de se gaver de « Nfuk Owono »- sauce d’arachide aux nombreux ingrédients, très prisée localement- de « Nkona Owono » – pâte d’arachide cuite en paquet, là aussi avec de nombreux ingrédients tels le poisson ou la viande fumée- de chenilles préparées en diverses recettes, de « Nkona NGone »- concombre ou cuits en paquets- de « Ngbweit »- bouillie de maïs- le « Medja’a Nku »- feuilles de manioc mélangées à l’arachide ou tout simplement salées- le Bomo- mais en paquet sous forme de bâton- l’ « Ebass fone » – maïs en paquet mélangé à l’arachide avec des crevettes par exemple-
Bref tout y était ou presque, en termes de mets locaux. De la viande de brousse ou du poisson d’eau douce préparés de diverses manières, n’en parlons plus. C’était un festin de trois jours pour les festivaliers, le tout agrémenté par de nombreuses boissons alcoolisées ou pas. Le Malamba et le mengorokom locaux étaient très prisés.
Toujours dans le même parcours vers le passé Ekang, se découvrent la créativité et l’inventivité dudit peuple désormais à cheval entre le Cameroun, le Gabon et la Guinée équatoriale, avec des ramifications au Congo-Brazzaville, en Centrafrique, à Sao-Tomé et Principes et même au Tchad .De nombreux objets d’art fabriqués il y a très longtemps ou récemment repris et perfectionnés ont été exposés : les lances, les houes, les parures, les masques dont le célèbre masque Ngil et autres œuvres traduisant un génie artisanal qui faisaient la fierté des ancêtres du peuple Ekang. La preuve que l’industrie n’aurait pas été une découverte pour eux qui arrivaient déjà à fabriquer des fusils de chasse (Etseip), et autres armes de guerre.
La production agricole n’était pas en reste. Plusieurs stands montraient des innovations dans ce domaine, prouvant que le peuple Ekang passait déjà progressivement d’une agriculture de
Subsistance à une agriculture plus productive lorsqu’il fut stoppé dans cet élan par l’entreprise coloniale, laquelle lui a imposé l’agriculture de rente avec le cacao, le café, le palmier à huile et l’hévéaculture.
Les jeux de société de la culture Ekang, notamment le Songo, l’Ogoss-qui pratique avec des coquilles taillées d’escargot et oppose deux équipes ont suscité fait déchainé des passions
Tout au long du parcours, des artistes de renom ont égayé les festivaliers, notamment des rappeurs bien connus dans la sous-région et même au-delà. Ténor du Cameroun, Anelka du Gabon et bien d’autres artistes locaux ont électrisé une foule compacte.
Le rendez-vous de la troisième édition du Fescub n’a donc pas déçu. Tout au contraire, avec l’énergie impulsée par le principal partenaire BW Energy a donné une autre dimension à l’évènement. Un évènement qui fait déjà des émules dans la province du Woleu Ntem et même au-delà puis que d’autres festivals s’en inspirent et se multiplient depuis trois ans.
Pourvu que cela dure.