Le projet de Constitution en élaboration au Gabon pourrait être un véritable cocktail explosif si d’aventure certaines recommandations du Dialogue national inclusif-exclusif y sont prises en compte. Un précédent dans un pays considéré depuis lors comme un « havre de paix », en dépit des inégalités sociales qui y sont criardes et flagrantes.
Et ce ne sera pas faute d’avoir tiré la sonnette d’alarme, dans le souci de ne pas s’inspirer de la Côte d’Ivoire où le concept de l’ivoirité a causé beaucoup de dégâts. Un très mauvais exemple dans une Afrique morcelée et émiettée par d’anciennes puissances coloniales, chroniquement faible des points de vue politique, militaire, économique, financier et culturel.
Une Afrique pour laquelle la thèse de l’Afrique des nations indépendantes, écartelées en micro-Etats, entre des frontières héritées du colonialisme ; cette thèse disions-nous, l’avait emporté sur celle des Etats-Unis d’Afrique ou des Etats fédérés d’Afrique au mois de mai 1963 à Addis-Abeba
Continuer à inoculer, dans un tel cadre, le poison nocif du micro- nationalisme est stupide et même suicidaire. Cela relève même de l’obscurantisme.
Sous le couvert d’une fibre patriotique mal inspirée, d’aucuns ont fait des Gabonais nés d’un parent d’origine étrangère, ou ayant une double nationalité, une cible lors du Dialogue national inclusif-exclusif d’Angondjé, au point de recommander de les exclure de la vie politique nationale. Ils voudraient en faire des électeurs non éligibles. Cela au mépris de l’histoire du pays qui regorge de plusieurs citoyens ayant un père, une mère, un grand père, une grand’mère dont les origines lointaines ou proches seraient à rechercher ailleurs.
Au niveau de la côte atlantique gabonaise, sur les bords de l’Ogooué et au-delà, se sont installées de nombreuses familles dont le métissage n’est plus à démontrer. On y trouve : des Ndendé, Coniquet, Rogombé, Sickout, Aboukou, Augé, Antchoué, Ogouebandja, Ping, Chen, Saulnérond, Capito, Chavillot, Chambrier, Teal, Adiahénot, pour ne citer que ces quelques grandes familles connues.
Que dire des Gabonais ayant séjourné à l’étranger pour des raisons diverses, études et autres, qui y ont rencontré des âmes sœurs ou frères avec lesquelles ces derniers ont tissé des liens matrimoniaux : les Georges Rawiri, Omar Bongo Ondimba, Bonjean François Ondo, Emmanuel Methogo Ondo, François Nguema Ndong, Emile Kassa Mapessi, Valentin Mihindou mi Nzamba, Etienne Guy Mouvagha, Richepin Eyogo, Mucani Muetsa, Ella Mintsa pour ne parler que des plus connus. Et ils sont très nombreux.
Il y a eu également un brassage entre les communautés allogènes venues d’autres territoires africains, le Dahomey par exemple- devenu Benin- le Togo, le Sénégal, le Cameroun, le Congo, la Centrafrique pour ne citer que ces quelques pays. Un tel brassage a donné des Mamadou Diop- ancien Secrétaire général de la Présidence de la République-, les Bâ Oumar- ancien Chef d’Etat Général de l’armée gabonaise- et bien d’autres encore ayant occupé de très hautes fonctions au niveau de l’appareil d’Etat.
Puis, remontons le cours de l’histoire. Jusqu’en 1945, une bonne partie du Sud-Est du Gabon, tout le Haut-Ogooué par exemple était rattaché au territoire français du Congo- Brazzaville. Ce qui veut dire que tous les Citoyens Gabonais d’aujourd’hui nés à cette époque sont supposés avoir été des Congolais. Leurs progénitures du moment ont-ils des parents d’origine gabonaise ou de « souche » ?
Puis encore, il y a de nombreux Gabonais qui, pour avoir séjourné pendant un moment en France y ont fait des enfants, lesquels ont bénéficié du droit au sol conformément à la législation propre à ces pays. Ces enfants sont donc des binationaux, dans la mesure où ils ont également la nationalité gabonaise
Une autre question fondamentale se pose donc : doit-on faire de tout ce monde des apatrides ou des « sous-Gabonais » ? Cette question est d’actualité au moment où les[NM1] flagorneurs de la République appellent à voter « Oui » au référendum, sans connaitre le contenu de la Constitution qui va leur être proposée.
Une attitude qui devrait inquiéter le CTRI. Parce que, ces flagorneurs, laudateurs professionnels ne seront plus là, si jamais ce cocktail explose au cas où ces recommandations du Dialogue national inclusif- exclusif venaient à être traduites dans des textes législatifs, dont la Constitution. On sait les dégâts qu’un tel cocktail explosif a causés en Côte d’Ivoire. Des millions de morts et des torrents de sang à Abidjan et dans bien d’autres régions et villes du pays.
On sait toujours de quelle manière commencent de tels évènements, il est cependant difficile d’imaginer la suite et même la fin. En Côte d’Ivoire, pour reprendre cet exemple, Henri konan Bédié le concepteur de l’ivoirité a été déposé par un coup d’Etat militaire, ce qui l’avait éloigné du centre du pouvoir jusqu’à sa mort, et Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé qui ont instrumentalisé, par la suite, ce concept abject de l’ivoirité ont séjourné pendant 210ans dans les Geôles de la Prison de la Cour Pénale Internationale de la Haye, aux Pays-Bas.
Le patriotisme, différent de micro- nationalisme, est synonyme d’ « amour de la Patrie ». La patrie se définit elle-même comme « une communauté d’individus vivant sur un même sol liés par un sentiment d’appartenir à une même collectivité, notamment culturelle et linguistique ».
Rien n’indique donc que des Gabonais nés de père ou de mère d’origine étrangère ou encore les binationaux ne reconnaissent en cette définition, parlant de leur patrie, le Gabon.
Tout comme rien ne prouve que des Gabonais nés de père et de mère ou de souche ont plus d’amour pour le Gabon.
Si l’on reprend par exemple le cas de la France sous occupation allemande pendant la deuxième guerre mondiale, des Français dit de souche, sans avoir un père ou une mère d’origine allemande n’ont-ils pas collaboré avec l’occupant, le Maréchal Pétain par exemple ?
Autres exemples encore d’actualité : devenu Président des Etats-Unis d’Amérique, Barak Obama n’est-il pas issu d’un père kenyan et d’une mère américaine ? Kamala Harris pressentie candidate du Parti Démocrate à l’élection présidentielle américaine du mois d’août prochain n’est-elle pas de père jamaïcain et de mère indienne ? Nicolas Sarkozy qui a présidé aux destinées de la France pendant 5 ans, n’a-t-il pas de parents d’origine hongroise ? Que dire de Manuel Valls l’ancien Premier ministre de François Hollande et d’Anne Hidalgo, l’actuelle mairesse de Paris qui sont tous les deux d’origine espagnole ?
Comme quoi, au Gabon de l’heure, d’aucuns voudraient donner de fausses réponses à de vraies questions.