La suprématie du pouvoir exécutif sur tous les autres, notamment législatif et judiciaire, aura été la principale caractéristique du système politique gabonais depuis l’accession du pays à la souveraineté internationale. Conséquence du régime présidentialiste ou demi -présidentiel ou encore semi- parlementaire, lequel n’est que le copié-collé de la constitution de la 5ème République française. Et faiblesse intellectuelle des Gabonais à trouver un système adapté aux réalités sociologues, culturelles et historiques du pays. Un tel système a causé beaucoup de torts, en générant des dysfonctionnements et des injustices au sein du corps social.
L’article 5 du Titre Premier, de la loi fondamentale gabonaise, relatif à la République, énonce « La République gabonaise est organisée selon les principes de la souveraineté nationale, de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et celui de l’Etat de droit ».
Puis, tout en affirmant que « la justice est rendue au nom du peuple gabonais par la Cour Constitutionnelle, les juridictions de l’ordre judiciaire, les juridictions de l’ordre administratif, les juridictions de l’ordre financier, la Haute Cour de justice et les autres juridictions d’exception (sic) », la même loi fondamentale, en son article 68, voudrait que le Président de la république soit le « garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire… » .
Là n’est pas le plus grave. Ce qui l’est, et ce qui est contradictoire à l’énoncé de l’article 5 sus- rappelé, c’est l’article 69, à propos de ce qui est appelé : l’ « Autorité judiciaire ». Cet article énonce : « l’Autorité judiciaire est exercée par le Conseil supérieur de la magistrature qui veille à la bonne administration de la justice et statue de ce fait sur les nominations, les affectations, les avancements et la discipline des magistrats ».
Puis encore, vient cette précision qui remet totalement en cause le principe même de la « séparation des pouvoirs » : « le Conseil supérieur de la magistrature est présidée par le Président de la République .la Première Vice-Présidence du Conseil supérieur de la Magistrature est assurée par le Ministre de la justice, Garde des sceaux ».
Et voilà qui établit un cordon ombilical et une passerelle entre les pouvoirs exécutif et judiciaire, ce au détriment du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs énoncé plus haut. Ce qui place inévitablement le chef de l’exécutif au-dessus du judiciaire. Les notions de pouvoir judiciaire et autorité judiciaire prêtent d’ailleurs à confusion. Elle laisse croire que le judiciaire n’est, comme l’indique le qualificatif, qu’une autorité morale placée sous la tutelle du pouvoir exécutif.
Ainsi donc, grâce à cette passerelle et à ce tutorat qui autorise ce pouvoir exécutif à nommer les hauts magistrats, à les affecter, à procéder à leurs avancements de carrière, le chef de l’exécutif garde une mainmise totale sur le fonctionnement de la justice.
Moralité, cette dernière ne peut être indépendante et impartiale. Les cours de justice ne peuvent que prendre des décisions dictées depuis là-haut. Ce qui, inévitablement, a de l’impact sur la vie politique du pays.
Pas étonnant dans ce cas que les commissions nationales électorales instaurées depuis les « Accords de Paris », généralement dirigées par de hauts magistrats aient été décriées et failli à leur mission d’organiser des scrutins libres et crédibles, dans la plus grande transparence.
Plus édifiant a été le rôle de la cour Constitutionnelle. Selon l’article 83 de la Constitution, cette dernière est « la haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité des lois et des élections. Elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics… ». Des rôles majeurs dans le fonctionnement de l’Etat et dans l’équilibre des pouvoirs. Depuis 1990, année du retour à la démocratie pluraliste et multipartite dans le pays, s’il est une diction haie, honnie, vomie par les Gabonais, c’est bien cette Cour Constitutionnelle. Sa neutralité et sa régulation des élections a été tellement décriée qu’elle a été surnommée : « la Tour de Pise » – l’inspiration est venue du regretté André Mba Obame qui l’avait comparé à cette tour d’une ville italienne « Pise », laquelle depuis sa construction est toujours penchée d’un seul côté. Pourquoi en est-il ainsi ?
Tout simplement parce que son président est nommé par le chef de l’exécutif, le Président de la république. Il en est ainsi de Marie Madeleine Mborantsouo depuis 1990. Du coup, cette dernière était devenue l’une personnalité la plus détestée du pays, les Gabonais l’assimilant au pouvoir des Bongo et considérant qu’elle n’en était que la reine gardienne du Temple ; A son tour, elle le leur rendait très en validant les résultats des élections dont elle savait non conforme à la réalité des urnes.
Lors du Dialogue national inclusif- exclusif d’Angondjé, cette question fondamentale de la vie politique du pays, celle de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, a-t- elle été abordée ?
Apparemment comme celle du rôle et des missions d’urne armée dans une république démocratique et un état de droit, personne n’y a prêté une attention particulière. L’on a préféré régler des comptes aux Pdgistes – pas tous d’ailleurs, puisque certains peuplent les différents organes de la Transition, s’en prendre aux partis politiques, aux binationaux et autres Gabonais nés d’un père ou d’une mère d’origine étrangère-
Et pourtant, si le Ministère de l’Intérieur a toujours été l’épicentre des crises postélectorales au Gabon depuis 1990, la justice avec les commissions électorales et la Cour constitutionnelle en a été l’hypocentre.