Equilibrer les relations franco- gabonaises

Ces relations ne peuvent demeurer en déséquilibre alors que dans bien de pays, anciennes colonies  françaises d’Afrique, la tendance est à l’affirmation de la souveraineté des Etats. Dans certains même, les liens que le Général De Gaulle disait avoir desserré ont rompu. C’est le cas du Mali, du Burkina –Faso, du Niger et même du Tchad et de la Centrafrique.

 Ces liens rompent après plusieurs années d’indépendances formelles pendant lesquelles la France a continué à prendre ces ex-colonies pour sa chasse- gardée, là où elle pouvait faire et défaire des régimes politiques au gré de ses propres intérêts économiques, culturels et géostratégiques. Des coups d’Etat orchestrés depuis le palais présidentiel de l’Elysée y ont lieu, installant au pouvoir des chefs d’Etat pantins, généralement des généraux d’opérette garantissant ces intérêts. Il y a même eu une intronisation d’empereur qui ne suscitait qu’hilarité, avec la bénédiction de l’Elysée.

Revenons aux relations franco- gabonaises. Elles ne datent pas d’aujourd’hui. Elles sont vieilles de plusieurs siècles, depuis l’époque du mercantilisme esclavagiste et du colonialisme. Libreville, la capitale gabonaise doit son nom à l’installation des derniers esclaves noirs sur la  côte atlantique gabonaise, suite l’abolition de l’esclavage en 1848. « Ville libre », l’a-t-on dénommée, ce qui est devenu « Libreville ».

Malgré cela, les factoreries, les maisons de traite et autres comptoirs y sont restés, jusqu’à ce que les colons français découvrent beaucoup d’essences dans la forêt équatoriale gabonaise, du manganèse à Moanda, de l’uranium à Mounana, et d’importants gisements d’hydrocarbures dans l’île Mandji. Et ils n’entendaient plus en partir .Pouvaient-ils (les Français) abandonner une telle vache laitière ! Ils se sont alors mis à exploiter à satiété et sans vergogne toutes ces matières premières. Un véritable pillage organisé qui perdure jusqu’à ce jour.

En début des années 60, ils ont été obligés de lever un tout petit peu le pied sur l’accélérateur, forcés qu’ils étaient par les évènements survenus dans leur grand empire colonial qui allait de l’Afrique subsaharienne à Asie, en passant par le Maghreb arabe et même le Proche Orient.

Après la deuxième guerre mondiale, l’éveil des peuples colonisés, dominés et opprimés par l’entreprise coloniale française est venu d’Indochine, Vietnam, Cambodge, Laos. La revendication des  ’indépendances était née. Des guerres de libération nationale ont vu le jour. Les peuples d’Afrique n’en sont pas restés indifférents. En Algérie par exemple, le Front de Libération Nationale (FLN) avait ouvert  les hostilités. Des soubresauts étaient enregistrés dans des pays comme le Kamerun  où l’Union des Populations de Cameroun (UPC) faisait entendre sa voix ainsi que le Niger avec le Sawaba.

Craignant de tout perdre et de manière brutale, le Général De Gaulle concéda alors d’octroyer les indépendances à toutes les colonies françaises, en dehors de Djibouti, de Mayotte et des Comores et des territoires d’Outre-mer de l’Océan Pacifique.

C’est donc dans ce contexte historique que le Gabon accéda à la souveraineté internationale le 17 août 1960, en devenant un Etat-nation, néocolonial et rentier.

Etat- nation parce que la naissance de l’Etat a précédé la construction d’une nation. Un édifice hétérogène, hétéroclite et donc fragile  en raison de sa complexité pluriethnique. Une réalité politique et sociologique qui freine toute œuvre de construction nationale et qui rend le pays vulnérable vis-à-vis de l’extérieur.

Etat- néocolonial parce que les fameux accords de coopération signés entre l’Etat français et les nouvelles autorités gabonaises de l’époque sont inégaux. Ces accords ont été rédigés unilatéralement par la seule partie française, les Gabonais n’ayant fait qu’approuver sans se préoccuper de leur contenu, lequel réserve à l’ancienne puissance colonisatrice l’exclusivité de l’exploitation des matières premières stratégiques. Les mêmes accords autorisent également la France à disposer d’une base militaire en terre gabonaise.

Pour toutes ces raisons, le Gabon a longtemps été la plaque tournante de la nébuleuse FrançAfrique aussi bien dans ses interventions dans la sous –région d’Afrique Centrale qu’au-delà. Le très tristement Jacques Foccart y séjournait souvent pour planifier certaines de ces interventions. Un certain Bob Denard, mercenaire professionnel au service de la France, spécialistes de basses besognes sur le Continent noir, y avait également ses quartiers. Il est même soupçonné d’y avoir perpétré certains assassinats politiques dont celui de Germain Mba.

Etat-rentier parce que, confiné essentiellement aux rôles de producteur et d’exportateur de matières premières de son sol et de son sous-sol, le Gabon n’alimente depuis là rien que les industries françaises. Ces nombreuses matières premières destinées exclusivement à l’exportation sont exploités par des firmes multinationales françaises et les membres de l’élite politico- administrative et militaire du pays n’en sont que des rentiers.

Entre le Gabon et la France se pose donc un problème de souveraineté. »La souveraineté nationale appartient au peuple », souligne une des dispositions territoriale  de la loi fondamentale gabonaise. L’intégrité territoriale est un des attributs de cette souveraineté. Elle s’exprime vis-à-vis de tous pays, y compris une ancienne puissance colonisatrice, et se traduit par une diversification des relations aux plans diplomatique, économique, militaire et culturel. Elle impose une politique extérieure d’indépendance nationale effective.

De ces faits, force est de reconnaitre que les accords conclus entre le Gabon et la France au moment de la décolonisation sont inégaux. Ils aliènent à des niveaux divers, économique, culturel et militaire, la souveraineté nationale.

Economiquement, il y a, redisons-le, un pillage organisé des matières premières du sol et du sous-sol gabonais, au point où cinquante-quatre (54) ans après l’accession à la souveraineté internationale, le pays demeure presqu’un désert industriel. Son économie est rentière et essentiellement extravertie et donc dépendant de l’extérieur, principalement de la France, y compris dans des domaines relevant de la souveraineté : la monnaie, l’énergie, les télécommunications, les grands moyens de transport, pour ne citer que ces domaines très sensibles et hautement stratégiques.

Militairement, une base militaire française stationne en permanence au Gabon, certainement pas pour protéger les Gabonais ou pour sécuriser les frontières du pays, même un certain doctorant ( sic) gabonais, effectuant ses études en France a  récemment soutenu, dans les colonnes de l’ « Union) que tel est le cas, reconnaissant sans le dire, l’inaptitude et l’incapacité des forces de défense et de sécurité gabonaises d’accomplir de telles missions.

Culturellement, des jeunes générations de Gabonais ne parlent aujourd’hui aucune langue nationale, mais plutôt le français. Jadis dans les programmes enseignés dans des écoles, collèges et lycées, d’anciennes générations de Gabonais avaient appris, eux, que leurs ancêtres étaient des Gaulois.  Considérées comme de l’idolâtrie, les religions et les croyances ancestrales gabonaises sont traitées de satanisme. Autant un Centre culturel français est basé au Gabon et y diffuse des valeurs judéo-chrétiennes, autant aucune structure de ce genre ne se trouve en France pour défendre les valeurs culturelles gabonaises.

Il est donc impérieux d’équilibrer les relations entre le Gabon et la France, en revisitant et en révisant tous les accords de coopération qui lient aujourd’hui les deux pays : accords de coopération économiques ; accords militaires et accords culturels.

 

 Une telle démarche n’étant pas synonyme de rupture

Laisser un commentaire