Transparence électorale au Gabon : Un pas en avant, deux pas en arrière

Décembre 1993, première élection présidentielle de l’ère de la démocratie multipartite au Gabon. Les débuts sont difficiles. Le pays n’était pas habitué à un tel scrutin depuis au moins trois décennies. Malgré une liste électorale élaborée à l’emporte- pièce, les Gabonais s’étaient rendus massivement aux urnes. L’engouement y était donc. La détermination d’en découdre avec le régime en place se lisait sur les visages. Il eut quelques couacs. Cependant, dans l’ensemble, tout semblait bien se passer.

 Le dépouillement des urnes se passait sans incidents majeurs. Les résultats étaient attendus avec impatience quand, tout à coup, est apparu sur les écrans de la télévision nationale, un certain Antoine Dépadoue Antoine Mboumbou Miyakou, alors Ministre de l’Intérieur, en compagnie de Martin fidèle Magnaga détenant lui, à cette époque, le porte- feuille de la Défense nationale.

 A la stupeur générale, des résultats annonçant le candidat Omar Bongo Ondimba vainqueur au premier tour du scrutin furent annoncés, avec plus de 51 pour cent, alors que le dépouillement se poursuivait dans plusieurs centres de vote de Libreville. Dans la foulée, à la seconde même, un couvre-feu fut instauré par le Ministre en charge de la Défense nationale.

 Les Pdgistes commis à la commission de centralisation des résultats qui siégeait au Ministère de l’Intérieur furent préalablement priés de regagner leurs domiciles respectifs, avant l’annonce desdits résultats.  Ce n’est qu’à cet instant précis qu’ils surent qu’un coup de force était en préparation.

 La suite est bien connue : violentes contestations des résultats, notamment à Libreville ; répression aveugle ; paralysie du pays pendant plusieurs jours ; puis négociations et « Accords de Paris », après un vibrant appel à la « paix des braves » lancé par Pierre Louis Agondjo Okawè.

 L’une des décisions de ces « Accords de Paris » fut la création d’une Commission nationale électorale (CNE) dirigée par de hauts magistrats. L’objectif était de commencer à éloigner le Ministère de l’intérieur de certaines opérations électorales. Même si cette commission fut par après dévoyée, il n’en demeure pas moins que ce fut un1/2 de pas vers la transparence électorale.

2009, élection présidentielle anticipée suite au décès d’Omar Bongo Ondimba. Les deux principaux challengers d’Ali Bongo Ondimba, investi par le Comité permanent du Bureau politique du PDG, furent André Mba Obame et Pierre Mamboundou Mamboundou.

 Contre toute attente, après avoir été l’un des fidèles du défunt Chef de l’Etat, André Mba Obame incarne le changement aux yeux de l’opinion et suscite de l’espoir. Sa campagne électorale est dynamique et draine les foules. Tout le monde le voit en vainqueur. La veille de l’annonce des résultats, il demande aux populations de se masser devant le portail de la Cité de la Démocratie afin d’empêcher le Ministre de l’Intérieur de l’époque d’aller annoncer des résultats non conformes à la vérité des urnes. L’appel est entendu, des dizaines de milliers s’entassent au lieu indiqué. Puis, tout à coup, presqu’au petit matin, les forces de défense et de sécurité chargent. André Mba Obame et Pierre Mamboundou Mamboundou sont exfiltrés par leurs partisans.

 Dans la mêlée, Jean François Ndoungou, l’actuel Président de l’Assemblée nationale de transition, à l’époque Ministre de l’intérieur, nommé par Ali Bongo Ondimba pour les besoins de la cause, en profite pour se glisser dans un char d’assaut  qui prend la direction de la Radio- Télévision- Gabonaise.

 Une fois sur les lieux, il annonce des résultats concoctés par ses propres services, validés par Grégoire Aboghe Ella, alors Président de la Commission Electorale Nationale Autonome et Permanente (CENAP) qui s’était substituée à la CNE- encore un ½ pas vers la transparence électorale- Là encore, violentes contestations des résultats, scènes d’émeutes à Libreville et Port –Gentil, aveugle et sanglante répression, et tout s’est tassé.

Quelques mois plus tard, l’opinion apprendra de la bouche de l’ex- « Monsieur Afrique » de Jacques Chirac, Michel De Bonne corse, pour ne pas le nommer, que les résultats de cette élection présidentielle « avaient été inversés à la faveur du candidat Ali, au détriment d’André Mba Obame ».

2016, Jean Ping prend le relais d’André Mba Obame décédé. Il mobilise et draine des foules. Tous les espoirs sont portés sur sa personne. Au cours d’un périple à travers les 9 provinces du pays, il est accueilli en libérateur. Il incarne à son tour l’alternance. Les populations l’adoubent lors d’une gigantesque « convention nationale » tenue à l’esplanade du complexe scolaire Ntchorere de Libreville. Le vote en sa faveur était presqu’acquis. Le jour du scrutin, il est donné vainqueur dans presque la plupart des bureaux de vote.

 Et à la fin du scrutin, les résultats officiels le mettent en avant dans 6 provinces sur les 9 que compte le pays. Ce qui n’a pas empêché le Ministre de l’intérieur de service, Pacôme Moubelet, de s’embarquer dans un char pour aller annoncer, à son tour, de faux résultats sur la base des chiffres sortis de son laboratoire de tripatouillage, lesquels ont été validés une fois de plus par Grégoire Aboghe Ella. Une fois de plus, Libreville s’est embrasée, avec des édifices brûlés, des voitures caillaissées. Il eut plusieurs blessés, des disparus et des morts. Ce fut la consternation et la désolation dans le monde entier. Certains, à l’extérieur du Gabon, en ont fait un fonds de commerce, les fameux activistes qui ne vivaient ces évènements rien qu’à travers les écrans de télévision.

Comme on peut donc s’en rendre compte, le Ministère de l’Intérieur a toujours été l’épicentre de toutes les déflagrations politiques ayant violemment secoué le Gabon depuis 1993. Raison pour laquelle, lors du Dialogue politique, inclusif et sans tabou d’Angondjé, ce dernier et tous ses démembrements locaux ont été mis à l’écart de toutes les opérations électorales, y compris l’annonce des résultats.

Ce fut un grand pas en avant vers la transparence électorale.

 

 Le CTRI, sur recommandation du Dialogue inclusif-exclusif d’Angondjé, vient de décider de faire deux pas en arrière

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