Après le dialogue : le virus de la « gabonité » en gestation dans le pays

Les dernières assises d’Angondjé ont été convoquées par les autorités de la Transition pour extirper le Gabon des maux qui le minent et non pour les créés. Et lorsqu’une résolution, à transformer en force de loi, cible certaines personnes, elle peut provoquer des effets induits à même de s’avérer désastreux.

On a l’impression que les Gabonais, du moins ceux qui ont pris part au récent Dialogue national inclusif- exclusif d’Angondjé ont été envieux et admiratifs des dramatiques évènements survenus en Côte d’Ivoire en début des années 2000, ce jusqu’en 2010. Si l’on s’en tient à certaines résolutions, frappées du sceau du populisme adoptées, s’il vous plaît, avec une salve d’acclamations.

Ces résolutions contenues dans le rapport général remis solennellement au président de la    Transition concernent notamment l’élection présidentielle. On peut y lire : «  pour être candidat (à la Présidence de la république – NDLR-), remplir les conditions suivantes : Etre né(e) de père et de mère gabonais d’origine (sic) ».

 Que veut dire ici être Gabonais de père et de mère d’origine ? Les Gabonais  du Haut Ogooué dont les parents sont nés avant et jusqu’en 1945 le sont-ils, puisque cette partie du Sud ’Est du territoire national appartenait encore au Congo français ? Ne va-t-il pas falloir procéder à des tests ADN pour savoir lequel  des Gabonais du Woleu Ntem, de l’Ogooué Ivindo, de la Nyanga, du Haut Ogooué ou de l’Estuaire serait porteur de gènes camerounais, équato- guinéens, congolais et même centrafricains ?

C’est ainsi qu’ont commencé les évènements de Côte d’Ivoire sus-rappelés. Lesquels ont fait couler des torrents de sang dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest. Le pays fut divisé en deux. Il y eut des centaines de milliers de morts au cours d’une guerre civile dont les plaies peinent jusqu’ ‘aujourd’hui  à cicatriser. Des quartiers entiers où résidaient des citoyens ivoiriens, victimes du concept de l’ivoirité, furent pilonnés, des milliers de leurs habitants furent contraints de prendre la voie de l’exil, en se réfugiant dans des pays limitrophes

Tout ceci à cause du concept micro-nationaliste, abject et rétrograde de l’ivoirité, excluait une bonne partie de citoyens, notamment  originaires du Nord, notamment Alassane Dramane Ouattara, de la gestion du pays dans lequel ils étaient nés et qu’ils ont servi plusieurs années durant, ce depuis l’époque coloniale, au moment où il n’y avait pas encore de frontière entre les deux territoires français qu’étaient la Côte d’Ivoire et la Haute Volta, devenu Burkina –Faso.

Sortie des laboratoires politiques d’Henri Konan Bédié, avec le but d’écarter son principal challenger, tous les deux fils spirituels de Félix Houphouët Boigny, de la course à la Présidence de la République, cette ivoirité a mis la Côte d’Ivoire à feu et à sang.

 Parvenu au pouvoir à la suite d’un putsch militaire, avec la mission de débarrasser  son pays d’un tel concept porteur de germes mortifères, le Général Robert Guei  n’y a  rien pu. Idem pour Laurent Gbagbo. Tous les deux n’ont fait que creuser de plus en plus le fossé qui séparait les populations du Nord de celles du reste du pays. Et ce qui devait arriver arriva. La suite dramatique a été décrite ci-dessus.

Souhaite-t-on en arriver là au Gabon ? Comment des ecclésiastiques et autres « Hommes de Dieu » autoproclamés ont-ils laissé passer une résolution qui entend instaurer une espèce de « gabonité », semblable à l’ivoirité, en terre gabonaise ?

 Il est vrai que toutes les religions monothéistes sont coutumières de violences. « Ils allèrent faire la guerre contre Madiân, comme Jéhovah l’avait ordonné à Moise, et ils se mirent à tuer tous les mâles. Ils tuèrent les rois de Madiân en même temps que les autres qui furent tués : Evi, Régem, Tsour, Hour et Réba, les cinq rois de Madiân ; et ils tuèrent par l’épée Balaam, le fils de Béor.Mais les fils d’Israël emmenèrent captives les femmes de Madiân avec leurs petits ; et ils prirent comme butin tous leurs animaux domestiques, tout leur bétail, tous leurs moyens de subsistance. Tous leurs villages où ils s’étaient installés et tous leurs campements de murés, ils les brûlèrent par le feu .Puis ils prirent tout le butin et toutes les prises en humains et en domestiques. Et ils amenèrent les captifs, les prises et le butin à Moise et à Eléazar le prêtre et à l’assemblée des fils d’Israël, au camp, vers les plaines désertiques de Moab qui sont près du Jourdain à la hauteur de Jéricho ».

Ces actes d’une violence inouïe sont  décrits dans la Bible, plus précisément dans l’ »Ancien Testament » (Nombres 31 : 7- 12).

 Dans le « Nouveau Testament », Jésus ne se comporte pas autrement quand, s’adressant à   ses disciples, il leur dit : « quand je vous ai envoyé sans bourse, ni sac, vous n’avez manqué de rien, n’est-ce pas ? ». Ils dirent non ! Il leur dit : « Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même aussi un sac à provisions ; et que celui qui n’a pas d’épée vende son vêtement de dessus pour en acheter une. Car je vous dis que ceci qui est écrit doit s’accomplir en moi, savoir : Et il a été compté avec des sans-lois, car ce qui me concerne est en train de recevoir son accomplissement ». Alors ils dirent : « Seigneur, regarde : « voici deux épées ». Il leur dit : «  c’est assez » (Luc 22 : 36-38).

En faisant passer une résolution à même d’aboutir sur une loi qui exclurait des centaines de familles gabonaises de la gestion du pays, les prélats qui ont présidé le récent Dialogue d’Angondjé  ont –ils pris conscience de la dont pourront manière réagir les membres de ces nombreuses familles, victimes d’un apartheid qui ne dit pas son nom ; tous ces métis de la Côte dont les parents ont été  les premiers à être au contact des européens, ou tous les membres des familles issus de mariages mixtes, beaucoup de Gabonais et Gabonaises ayant effectué leurs études en Europe par exemple ?

Dans quel registre de citoyens va –t-on classer les progénitures des Dendé, Grandet, Chavillot, Adiahénot, Saulnérond, Coniquet, Augé, Antchoué, Chambrier, Sickout, Rogombé, Rawiri, Essongué, Bâ Oumar, Mamadou Diop, Ogouebandja, Pierre Mamboundou, Mihindou Nzamba, Mouvagha Tsioba, Moukagni Muetsa, Jean François Ntoutoume Emane, Mbene Mayer, Capito, Bonjean François Ondo, François Nguema Ndong, Casimir Oye Mba, Richepin Eyogo, Emmanuel Ondo Methogo ; la liste est loin d’être exhaustive ? Va –t-on en faire des citoyens à part ? Ne vont-ils pas réagir comme les originaires du Nord de la Côte d’Ivoire ?

On sait toujours comment se créé et commence ce genre de situation, il est cependant difficile d’imaginer la suite. Si l’ivoirité a engendré une guerre civile en Côte d’Ivoire, a-t-on la certitude que la même cause ne produira pas le même effet au Gabon.

Il est encore temps de tuer dans l’œuf  le virus en gestation.

 

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