Dans l’une des résolutions des dernières assises politiques d’Angondjé, et à propos de la création des partis politiques dans l’optique de réduire leur nombre au Gabon, on peut lire : « avoir une idéologie politique clairement identifiée et appartenir à l’un des « 4 blocs idéologiques envisagés ».
Il n’est guère précisé ici ce que recouvre cette notion de « 4 grands blocs idéologiques envisagés ». Les instances en charge du suivi et de l’application des résolutions desdites assises vont-elles en donner les contours, avant qu’un décret ne soit pris à ce propos ? Nul ne le sait. Un courant idéologique émerge –t-il suite à la signature d’un tel décret ? Un tel décret peut-il décider de l’appartenance d’un parti politique à tel ou tel ou tel courant de pensée ? Les courants de pensée, et donc les idéologies, ne sont-ils pas le fruit de l’évolution des sociétés humaines et la conséquence des luttes continues et ininterrompues que se livrent dans l’histoire des forces aux intérêts contradictoires ? Existe-il réellement 4 blocs idéologiques dans le monde ?
Le côté intellectualiste de certains participants, bardés de diplômes universitaires, auxdites assises les a empêchés de se poser cette série de questions. Eux qui se sont donné l’héroïque mission de refaire le Gabon, et même le monde, en partant de zéro, en se donnant des postures de savants dont l’occultisme n’a rien à envier aux formules du légendaire professeur Tournesol des bandes dessinées, avec des résolutions relevant parfois de l’irrationnel.
Moralité le Gabon pourrait devenir, dans le monde, l’un des rares pays où un dialogue, auquel ont pris part des militaires, des chefs d’entreprises, des syndicats, des organisations de la société civile, des minorités communautaires, des acteurs politiques de seconde zone, où un tel dialogue disions-nous, va faire entrer des partis politiques, qu’ils le veuillent ou non, dans « 4 grands blocs idéologiques.
Il n’est pas interdit d’innover, même s’il faut recréer pour cela la roue qui existe depuis des millénaires.
Que l’on sache, les idéologies existantes découlent des modes de production, lesquels sont eux-mêmes sont déterminés par la propriété des moyens de production. Dans la société ou mode de production féodale par exemple, ces moyens de produire les richesses, dont le principal fut la terre, fut la propriété de la noblesse (rois, princes, princesses, comtes, ducs, duchesses et consorts).Les autres composantes sociales constituaient pour cette noblesse rien qu’une main d’œuvre servile.
L’idéologie des classes dominantes étant celle de la société entière, dans une telle société féodale, l’idéologie est par conséquent celle qu’imprime la noblesse.
Cela a été le cas jusqu’au début du 18è siècle, lorsque le mode de production capitaliste ou libéral va supplanter le féodal. Et grâce au mercantilisme esclavagiste et au colonialisme, ce mode de production capitaliste va accumuler des capitaux, créer des réseaux bancaires, financer la révolution industrielle et parvenir au stade de ce qui a été taxé d’impérialisme, avec une expansion dans le monde entier.
Il a été théorisé par de grands penseurs tels Ricardo, Adam Smith, Jean Baptiste Say, Malthus, Keynes, pour ne citer que ceux-là, notamment dans sa phase de libre concurrence, avant qu’il ne devienne monopoliste. Il a un centre dans les pays d’Europe et d’Amérique du nord, et une périphérie en Afrique, en Amérique du sud et dans certains pays du Continent asiatique.
Dans toutes ces sphères, l’idéologie des capitalistes est celle de tous les pays qui en font partie, avec des dominants et des dominés.
Puis avec Proudhon, Owen et bien d’autres penseurs sont apparues les premières idées du socialisme, au regard de l’exploitation dont étaient victimes les ouvriers dans les fabriques et les usines. Le syndicalisme est né. Ces premiers partisans du socialisme prônaient plutôt l’ « harmonie des classes », en pensant naïvement que les contradictions entre ouvriers et capitalistes pouvaient trouver des solutions sans affrontements, c’est à dire sans lutte des classes. Cette manière de concevoir les choses a été qualifiée de « socialisme utopique ».
Puis les théories de Karl Marx et Engels, basées philosophiquement sur le matérialisme historique et dialectique, lequel pose que seule la lutte des classes est historiquement le moteur de toute évolution des sociétés humaines, sont venues bouleversées la pensée « économique du milieu du 18è siècle- début du 19 è siècle. Une analyse minutieuse et rigoureuse du capital lequel, selon Karl Marx, exploite la classe ouvrière est née. Et la contradiction entre capital et force de travail fut mise en exergue. La notion de prolétariat désignant la classe ouvrière a vu le jour. La nécessité pour cette classe ouvrière de se doter d’une arme de combat pour affronter les capitalistes et s’emparer du pouvoir politique a été théorisée. Cette arme n’était autre, pour Karl Marx, que le Parti communiste qualifié de « détachement d’avant-garde de la classe ouvrière ».
S’inspirant de cette doctrine, des révolutions sociales et politiques ont eu lieu. En France, en Russie, en Chine et dans plusieurs pays de l’Est européen. D’autres théoriciens, Lénine, Mao Ze Dong, par exemple, en furent les instigateurs en donnant une couche supplémentaire aux théories de Marx et Engels. D’où le « marxisme léninisme » et « la pensée Mao Ze Dong ». Certaines de ces révolutions ont abouti à des transformations radicales politiques, économiques et sociales des ordres établis. D’autres pas.
C’est cette idéologie prolétarienne ou socialiste ou encore communiste – le socialisme n’étant qu’une étape vers le communisme- qui dominait dans ces pays, avant que ne s’écroule le mur de Berlin. Elle était généralement mal appliquée, avec des échecs reconnus, cependant c’est elle qui prévalait. Elle reste en vigueur en République populaire de Chine, ce pays jadis arriéré et semi colonisé devenu la deuxième, sinon la première, puissance économique mondiale.
Des peuples colonisés et dominés s’en sont également inspirés, en créant des mouvements de libération nationale. Leur liberté en fut au bout.
Selon donc leur histoire, la philosophie sociale- l’idéologie- ainsi que les bases sociales qui sont les leurs, les partis politiques sont plutôt classés à « droite » ou à « gauche » dans le monde entier. Personne ne leur indique un « bloc idéologique » auquel ils doivent se reconnaitre. C’est de l’enfantillage que de le préconiser au cours d’un dialogue qui avait pour but de sortir un pays de la crise politique dans laquelle il est englué. Cela relève même d’un comportement d’amphithéâtre.
A l’intérieur de chacun de ces pôles idéologiques « droite et gauche », il existe des variantes résultant des contradictions survenues au sein de ces courants de pensée. A « droite », on trouve des conservateurs ultralibéraux, des néolibéraux, des démocrates- chrétiens par exemple ; et à « gauche », des partisans du socialisme scientifique, des sociaux- démocrates, des sociaux- libéraux, avec de part et d’autre, des courants plus radicaux classés à l’ « extrême droite » ou à l’ « extrême gauche ». Entre les deux pôles, certains partis politiques se réclament, eux, du « Centre ».
Qu’est- ce que c’est donc que cette histoire de « 4blocs idéologiques envisagés » ? les décrète-t-on dans un pays ?
Au stade actuel du niveau de développement du Gabon, caractérisé l’absence d’une bourgeoisie nationale capable d’investir et d’insuffler ledit développement, une insuffisance des forces productives, un tissu industriel presque inexistant, une agriculture de subsistance, la prédominance du sentiment d’appartenir à une ethnie et non à une catégorie socio- professionnelle, pour ne pas dire à une classe sociale, donnée, et encore moins une nation, les partis politiques naissants ou existants doivent-ils offrir aux populations des références idéologiques toutes tranchées, même s’il ne s’agit que d’orientations à long terme ?
Sans renoncer à leurs convictions idéologiques, ces partis politiques ne doivent-ils pas proposer des modèles de transition dans lesquels les populations seraient appelées à contribuer à l’œuvre de consolidation de la démocratie et de l’édification d’une économie nationale, en ayant l’amour de la patrie , en étant attachées aux valeurs de la République et à la souveraineté nationale, en militant pour la paix et la cohésion nationale ?
Toujours au stade actuel, doit-on forcément se dire « libéral », « social- démocrate », « socialiste » ou « communiste », si tant est que ce sont là les « 4 blocs idéologiques envisagés » ?
Toutes ces questions méritent une réflexion approfondie tenant compte des réalités gabonaises, répétons-le, au stade actuel du niveau de développement du pays, et non des résolutions à la hussarde.