L’alinéa 1er du Préambule de la loi fondamentale gabonaise, quelle qu’en soit la mouture énonce : « le peuple gabonais conscient de sa responsabilité devant Dieu – ce qui parait inapproprié, et même contradictoire, dans un Etat laïc (NDLR) et devant l’histoire, animé de la volonté d’assurer son indépendance et son unité nationale, d’organiser la vie commune d’après les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie pluraliste, de la justice sociale et de la légalité républicaine … ». Les termes « démocratie pluraliste » ont tous leurs sens ici.
L’article 6 du Titre Premier de la même loi fondamentale énonce quant à lui : « Les partis et les groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement, dans le cadre fixé par la loi, selon les principes du multipartisme ». Là aussi, les termes « principes du multipartisme » valent leur pesant d’or.
Rappelons que ces dispositions et principes émanent de la volonté exprimée par les Gabonais lors de la Conférence de 1990 et qu’en prenant le pouvoir le 30 août 2023 au nom du CTRI, les militaires n’ont abrogé aucune Constitution. Bien au contraire, en rédigeant la Charte de la Transition, ils se sont beaucoup référés à celle adoptée et entrée en vigueur en 1991.
Aussi bien les dispositions de cette loi fondamentale, que celles de la Charte de la transition, toutes reconnaissent aux citoyens Gabonais « la liberté de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication, la libre pratique de la religion ».
Suspendre alors les partis politique n’est-il pas synonyme d’entorse grave à toutes ces libertés ? Ne restreint-on pas là, même pour un temps, l’espace de libertés ouvert en 1990 ? Ne suspend- t-on pas là la démocratie elle-même ? En quoi les partis politiques, y compris le PDG, seraient-ils responsables des évènements politiques, en termes de coups de force électoraux, survenus dans le pays depuis décembre 1993 ? Ceux qui les ont orchestrés ne sont-ils pas aujourd’hui à la tête de certains organes de la Transition, Jean François Ndoungou par exemple qui a proclamé les résultats qu’il savait non conformes à la vérité des urnes en 2009, avant de déclarer la dissolution du parti politique « Union Nationale en 2010 ? Est –ce que ce sont eux, les partis politiques, qui ont réprimé violemment et sauvagement les populations qui manifestaient contre l’annonce de tels faux résultats et fait couler le sang des Gabonais en 1994, en 2009 et 2016 ? Est-ce que ce sont eux qui ont procédé aux modifications successives de la Constitution, de 1994, 1995,1997, 2000, 2OO3, 2011 et 2017 ; lesquelles modifications ont fait du Gabon une monarchie de fait ?
Aujourd’hui, ce sont les partis politiques, demain ce seront peut- être les Syndicats, les organisations non gouvernementale de la société civile, les médias. Et s’installera la dérive autocratique .Tel était-il le but recherché par le Dialogue ? Comment les ecclésiastiques ont-ils pu cautionner une telle aberration, Pierre Claver Maganga Moussavou a qualifié lui, cela, et à juste titre, d’ineptie ? Les Ambassadeurs présents à Angondjé lors de la plénière du rapport général sont tous tombés des nus. Ils n’en croyaient pas à leurs oreilles.
Après la mise en musique des résolutions dudit Dialogue par le gouvernement de transition, il va falloir faire adapter la nouvelle Constitution par voie référendaire et aller par après aux élections générales qui battra campagne pour toutes ces élections ?
C’est vrai, le nombre de partis politiques est excessif au Gabon, 104 pour une population estimée à près de deux (2) millions d’habitants. Il s’agit, pour la plupart, de fonds de commerce politiques ; de chapelles épousant des contours ethniques ; tribaux, claniques, voire familiaux. Beaucoup n’ont ni militants, ni siège social, ni marqueurs idéologiques, ni élus depuis qu’ils existent. Bien évidemment leur foisonnement, sans base sociale représentative, décrédibilise le processus démocratique en cours dans le pays depuis plus de trois(3) décennies.
La meilleure manière de réduire leur nombre n’est certainement pas de suspendre leurs activités. Parce que, sans eux, que reste-t-il du paysage politique gabonais actuel ? Il n’en restera rien que le CTRI, organe militaire. Presque le retour au parti unique. Et l’on se serait éloigné de la démocratie, ce qui pourrait donner des idées à certains, dont celle de prendre le chemin de la clandestinité ou alors, dans le pire des cas, du maquis.
N’y a –t-il pas lieu de laisser certains partis politiques mourir de leur propre mort. Dans une démocratie dynamique et agissante, que vaut un parti politique sans ressources humaines, financières et matérielles, sans possibilité de n’avoir rien qu’un seul élu local. Il s’éteindra de lui-même. En le suspendant ou en le dissolvant, on en fait une victime de l’arbitraire et de l’autocratie.