Cela était prévisible, cet échec dès le premier jour de début des travaux du dialogue national. Les militaires assurent la sécurité des biens et des personnes, ainsi que l’intégrité territoriale ; le clergé gère le spirituel et les politiques le temporel. La politique fait justement partie du temporel. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est faite. Inverser les rôles ou être dans la confusion des genres conduit inévitablement à des couacs.
Il y a longtemps que la séparation entre l’église et l’Etat a été effective. Rares aujourd’hui, dans le monde entier, sont des Etats théocratiques. Depuis le 30 août 2023, on assiste à une telle dérive. La transition a commencé par une grande prière au palais présidentiel du bord de mer de Libreville, la cérémonie d’ouverture du dialogue a débuté par une autre grande prière dite par l’archevêque de Libreville. De quoi se poser des questions sur la nature de l’Etat Républicain que veulent instaurer les militaires et les ecclésiastiques à la manœuvre de la transition en cours.
Cela n’augurait donc rien de bien politique .Surtout qu’il est dit que la dialogue voulu par le CTRI n’est une ni « une affaire des politiques, ni de la société civile, mais celle de tous les citoyens ». Du coup, a été convié tout le corps social du pays, ce pour marquer son caractère inclusif. Pendant des semaines, jusqu’à la cérémonie d’ouverture, il a été impossible d’avoir une idée précise des principales thématiques qui en seront au menu. A écouter les uns et les autres, c’était comme tout ce beau monde était appelé à refaire le Gabon sans partir de l’existant. Comme s’il s’agissait de refaire la roue, cependant qu’elle avait été conçue par les Egyptiens il y a des millénaires, d’autres civilisations n’ayant fait que l’améliorer et la perfectionner.
Une crise politique couve au Gabon depuis le retour au multipartisme en 1990. Elle a connu plusieurs épisodes, parfois dramatiques. Ce fut le cas, plus particulièrement, en 1993, 2005, 2009 et 2016. C’est donc, et répétons-le une fois de plus, une crise éminemment et essentiellement politique. Des problèmes économiques et sociaux, tous les pays du monde les vivent en permanence, sans que cela ait un lien direct avec le fonctionnement des institutions, et sans que cela ait quelque chose à avoir avec l’organisation des élections.
C’est de cela dont il est question en ce moment au Gabon, et non de refaire le pays à partir de Mathusalem. Le Gabon doit se doter d’institutions démocratiques et consolider l’Etat de droit. S’écarter de ces objectifs en invitant essentiellement les militaires et les ecclésiastiques, puis des groupes sociaux qui ne sont là rien que pour meubler le décor, pour venir régler ces problèmes, c’est comme si on faisait appel à des psychiatres pour venir soigner une personne souffrant du cœur, à la place de cardiologues.
Et ce qui devait arriver est arrivé, le couac. Sans thématiques, ce qui veut dire sans ordre du jour, les participants au dialogue se sont retrouvés au stade de l’Amitié Sino –gabonaise d’Angondjé comme des touristes sans guide. Ce n’est que quelque temps après que la Ministre Murielle Minkoué, épse Mintsa, est venue leur annoncer le report du début des travaux au 08 avril 2024, en raison de quelques « réajustements » à faire.
Si ceux qui avaient plaidé pour un tel report bien avant même la cérémonie d’ouverture, on n’en serait pas là aujourd’hui.